Archives mensuelles : décembre 2025

Retour à Dakar: entre les lignes

Nous avions envisagé la possibilité de pousser notre exploration des côtes africaines plus au sud vers la Casamance.

Mais bien que la saison des pluies soit terminée, les conditions prévues pour les 15 prochains jours sont loin d’être idéales avec de violents orages. Ajouter à ça le stress de se faufiler dans les bolongs de faible profondeur avec des cartes peu précises: depuis 2016 quand nous avons acquis Rêve à Deux jusqu’à aujourd’hui nous avons eu la chance de ne pas encore nous être échoués. On croise les doigts pour que ça continue. Et si c’est pour rester dans le bras principal du fleuve ça ne présente pas grand intérêt. 

Donc après avoir étudié les fichiers météo et tous ce qu’on pu écrire les voileux sur ces endroits, la décision est prise, nous n’irons pas en Casamance ni en Guinée Bissau pour les mêmes raisons et pas en Gambie non plus car il faudrait revenir à Dakar ou aller à Elinkin en Casamance pour faire la sortie du Sénégal. En plus la météo des 7 prochains jours s’annonce idéale sur la route Dakar – Cap Vert 

Vers 13:00 à l’étale de marée haute nous prenons le chenal de sortie puis remontons la côte vers Dakar. Il n’y a pas beaucoup de vent mais juste assez pour zigzaguer entre les très nombreuses bouées de filets. Heureusement il fait jour et ce sont des filets de fond, peu de risques de s’y accrocher. La nuit ne devrait pas tomber avant que nous n’atteignons la hauteur de Saly. Nous avions vu à l’aller que de là à Dakar les pécheurs utilisaient des filets de surface tirés entre 2 bateaux donc a priori une pêche de jour.

Erreur ! Un fois la nuit tombée la mer se recouvre de centaines de barques peu ou pas du tout éclairées sur plusieurs rangées de 5 à 30 milles de la côte. Chaque barque tire un filet de plusieurs centaines de mètres a l’extrémité duquel se trouve une bouée, le plus souvent un simple bidon vide plus rarement une vraie bouée avec un feu clignotant de couleur. Les plus attentifs nous font signe avec une torche s’il pense qu’on risque de passer sur leur filet mais la plupart ne font aucun cas de notre présence. Et ce qui devait arriver arriva. On se prend un premier filet qui fort heureusement se dégage tout seul mais une demi heure plus tard c’est le freinage brutal. Cette fois-ci on est bien accrochés. On enroule le foc et affalons la grand voile.

Il faut couper. La quille se dégage assez facilement mais un morceau semble rester accroché au safran. De nuit avec tous ces filet et le bateau qui dérive Domi n’a pas trop envie de plonger pour aller vérifier. On coupe tout ce qui dépasse à l’arrière. Le safran fonctionne par mesure de sécurité on utilisera pas le moteur avant d’ avoir dégagé le dernier bout. On est en train de finir quand on voit une barque déployer son filet à 3 mètres devant nous , on dérive droit dedans pourtant on est super éclairés (feu de route et feux de pont avant et arrière). On hèle le pêcheur en lui expliquant que l’on dérive sans voiles et sans moteur et qu’on ne peut rien faire pour les éviter mais il ne parle que wolof. Finalement un des marins comprend la situation et ils tirent leur filet quelques mètres plus loin. Pas un signe du pêcheur dont nous avons massacré le filet?

On déroule le foc et on reprend notre route au ralenti en essayant d’être le plus visible possible tout en redoublant d’attention et en faisant un grand détour à chaque fois qu’une torche bouge.

Finalement nous arrivons à Dakar en fin de nuit sans autre incident mais c’était très chaud.

Comme nous l’avons dit plus haut les routages sont excellents pour une traversée rapide et confortable vers Sal au Cap Vert. On va donc faire les formalités de départ (en fait juste tamponner les passeports à la police du port) et les courses à Auchan le plus rapidement possible pour pouvoir partir dès demain matin.

Quelques précisions sur les déplacements dans la ville de Dakar. Il y bien sûr les taxi jaunes en général des vieilles voitures des années 90 ou parfois même 80 complètement délabrés et mainte fois fois bricolés. il faut impérativement négocier le prix avant de monter. A titre indicatif une course du CVD au centre ville coûte 200 CFA.  Jusqu’à Ngor ce sera 400CFA. Inutile de prendre un taxi pour la journée si vous avez des choses à faire à plusieurs endroits ça coûtera beaucoup trop cher. On trouve très facilement des taxis partout.

Si vous restez plus longtemps çà vaut le coup de télécharger l’appli Yango, l’équivalent de Uber ici. Les courses sont à peine 50% plus chère mais il n’y a pas à négocier, les véhicules sont très récents, en excellent état et climatisés.

Le xx/12/2025 nous levons l’ancre une fois contourné l’île de Gorée, la côte Sénégalaise s’estompe rapidement.

Nous garderons du Sénégal un souvenir partagé entre le peuple sans doute le plus gentil et le plus accueillant que nous ayons vu, de très beaux paysages et d’un autre côté une très mauvaise gestion de la part gouvernement (infrastructures délabrées ou inexistantes rues défoncées enseignement manquant de tout etc mais palais présidentiel et statue monumentale) et surtout une pollution galopante.

Saloum : Diomar

On reprend notre descente du Siné jusqu’à Dinouar où on entre dans le Saloum.
Une fois passés Djifer puis les marques du chenal d’accès au delta. Il faut descendre assez bas pour contourner le banc de sable et remonter le long de la côte. Nous n’avons pas rencontré mois de 3,50m a mi-marée.


On mouille devant les lodges et on descend à terre pour une petite balade à travers la savane jusqu’au village.
Motos et chevaux sont les seuls véhicules sur cette île.


Dinouar (ou Donouwar) est un village musulman typique avec ses petites maisons aux murs gris sans fenêtre et ses mosquées carrelées.
Les habitants nous accueillent avec leur habituel « bonjour comment ça va »
Un petit chantier construit de magnifiques pirogues en bois. Un local nous dit qu’elles sont souvent utilisées par les passeurs pour essayer de transporter des candidats à l’immigration vers les Canaries.


Au bout des petites jetées des cabanons sans équivoque, ce sont les toilettes publiques elles se déversent directement dans la mer.


Le rivage est aussi couvert de déchets plastiques: tout l’écosystème du delta déjà gravement affecté par le réchauffement climatique et la montée des eaux est en danger d’effondrement imminent.

Siné : Moundé

Le samedi 08/11/2024 nous quittons Foundiougne après un contrôle par un zodiac de la marine sénégalaise. Il sont montés à bord à quatre, le fusil d’assaut au poing (sans doute seulement pour impressionner: les chargeurs n’ étaient pas en place) juste pour voir nos passeports et les papiers du bateau.

Nous pensons aller dans le bolongs de Maya juste au nord de Fanbine. Nous disposons des traces de 2 bateaux y ayant séjourné il y a 2 ou 3 ans. Tous deux indiquaient des profondeurs de l’ordre de 4 m. Mais quand nous nous présentons l’alarme du sondeur se déclenche: moins de 2 m. Nous essayons à plusieurs endroits sur la largeur: même résultat et nous sommes pourtant à marée pratiquement haute. Les fonds doivent se modifier pas mal par ici. Nous ancrons à l’extérieur 1/2 mille devant Fanbine pour la nuit.

Le lendemain matin nous repartons pour le bolongs suivant: celui de Djirdna mais cette fois nous remontons jusqu’à Moundé. Nous ancrons à l’embranchement et remontons le petit bras en kayak et rentrons dans la lagune à travers la mangrove juste avant l’appontement du village. Et là on a vraiment l’impression d’être dans la savane africaine (en fait on y est même s’il s’agit d’une zone humide).

avec ses baobabs et autres arbres immenses. Quelques enfants viennent nous voir mais on ne s’attarde pas. La marée redescend et on ne voudrait pas avoir à porter le kayak dans la vase à travers la lagune.

Siné : Foundougne

Comme l’ancre c’est bien décrochée du récif artificiel, on en profite pour continuer notre remontée du fleuve Siné. Étape prévue dans un petit bras latéral juste avant Baout 7 milles en amont. La navigation sur cette partie du fleuve demande une vigilance de tous les instants en raison des centaines de filets à crevettes barrant le chenal pourtant bien balisé partout sur pratiquement toute sa largeur. La seule partie visible de ces apparaux de pêche est une pièce de bois de 3 ou 4 mètres soutenue par 2 flotteurs en général munis de pavillons et placés en travers du courant. Parfois plus d’une dizaine sont alignés sur toute la largeur du chenal avec entre eux un espace de quelques mètres. On essaie, pour autant que la profondeur le permette ( chenal assez bien balisé bouées neuves et bien visibles) , de passer entre la rive et le premier ou le dernier filet mais il faut souvent se faufiler entre deux. Apparemment les cordes qui les maintiennent descendent à pic et on peut passer tout près sans rien accrocher. Si, comme on nous l’a dit, il y a de temps en temps un cargo qui remonte il doit faire de sacrés dégâts ou peut-être les pêcheurs sont-il prévenus et dégagent un passage en temps voulu (peu probable!).

Baout n’est pas une option, le bras est assez étroit et le fond remonte brutalement en renvoyant un écho très tourmenté peut-être ont-ils immergé un récif artificiel ici aussi en tout cas on ne va pas s’amuser à ancrer là.

On continue donc la remontée du fleuve qui paradoxalement s’élargit beaucoup quand on arrive à Foundougne. On jette l’ancre dans 10 m d’eau entre la rive nord et une marque du chenal pour casser la croute. Puis on continue la remontée. Le plan d’eau est de plus en plus large. Au fond on aperçoit un pont qui ressemble (en plus petit) au pont de l’île de Ré. Nous apprendrons qu’il a d’ailleurs été dessiné par le même architecte. Sur bâbord c’est un terminal pétrolier flambant neuf (ont-ils prévu une exportation massive d’huile de Karité ou est-ce simplement prévu pour ravitailler la région en essence, mystère…) pendant les quelques jours que nous passerons dans le coin nous n’y verrons pas âme qui vive de là imaginer un montage bien subventionné et très juteux pour quelqu’un….


On ancre devant l’hôtel Indiana comme recommandé par Navily.
Le lendemain matin nous allons en kayak jusqu’au port de la ville situé juste avant le pont en profitant du courant de la marée. La ville est très animée, même si on a raté le marché hebdomadaire du mardi. Nombreux petits commerces assez bien achalandés. Cheikh (prononcez Cher) le propriétaire d’une échoppe de vêtements locaux se porte volontaire pour nous guider et trouver les meilleurs bananes, les papayes les plus succulentes le pain le plus frais( petits pain blancs).


Retour à bord avec la renverse. Le soir apéro sur Twiny le cata en strongal de l’association voiles sans frontières. Ils sont là pour apporter du matériel de première nécessité dans un village isolé du delta.


Le lendemain nous débarquons par l’hôtel Indiana et allons à pied en ville (environ 20′) rien de particulier sur le trajet à part quelques baobabs et autres fromagers pour nous rappeler que nous sommes bien en Afrique.
Sur le bord de la route deux bâtiments neufs mais apparemment déjà abandonnés: une usine à glace et un centre de formation pour mécaniciens ajusteurs tous deux financés par des ONG… Finance-t-on vraiment ce dont le pays à besoin? Ou l’argent va-t-il seulement aux riches promoteurs mais pas aux utilisateurs?

Siné :Djirnda

Nous remontons le Siné qui au fil des ans est devenu un fleuve bien plus important que le Saloum. Il est navigable assez loin en amont et balisé pour permettre à de petits cargos de le remonter (en une semaine nous n’en verrons pas un seul). Ceci dit avec le changement climatique le courant de ces fleuves diminue et les marées remontent désormais bien au-delà de l’estuaire, augmentant la salinité de l’eau. Ce changement affecte grandement l’écosystème du delta et rend la vie des habitants encore plus difficile (l’eau de certains puits devient saumâtre) sans parler du risque de submersion complète de ces terres à fleur d’eau y compris des villages. Ajoutez à ça, la pollution plastique dont on parlait dans l’article précédent…

Première escale Djirnda. Comme beaucoup de villages ici c’est une communauté de pêcheurs dont l’activité principale est la crevette très abondante dans le fleuve. Les hommes pêchent (surtout la nuit ) et les femmes sèchent et fument le produit.

On ancre en face de la jetée du village mais plus proche de l’autre rive pour ne pas gêner les nombreuses pirogues qui vont et viennent, chargeant ou déchargeant leurs cargaisons ou leur passagers. Un grand ado soufrant de douleurs articulaires vient nous voir sur sa pirogue et nous demande si on aurait un médicament qui pourrait le soulager, ici il sont rares et très chers. On lui donne une boite de paracétamol avec des instructions très strictes de ne pas dépasser 4 comprimés par jour.

Il nous fait visiter son village. Son frère nous raconte que, lui, il aurait bien voulu émigrer en Espagne pour continuer ses études, il a essayé et il est partis en mer sur une pirogue mais ça n’a pas marché.

On rencontre le directeur de l’école. Ils ont 350 élèves du CP au CM2 mais seulement 2 salles de classe pour les répartir. Si la récré est un joyeux brouhaha, une fois en classe, c’est le silence total : discipline discipline ! L’association Voiles Sans Frontière leur a fait don d’un ordi et d’une imprimante indispensable car tous les documents scolaires (textes, exercices, sujet d’examen etc) arrivent maintenant sous forme électronique mais çà consomme du papier et de l’ancre et il n’ont pas les moyens d’en acheter. Alors si vous passez par là penser à apporter quelques ramettes de papier ou du toner pour l’imprimante (voir photo). Du matériel de géométrie est aussi bienvenu (régles, compas, équerres etc). Nous n’avons que quelques cahiers, crayons et règles à offrir mais ça leur fait tout de même plaisir.

Le lendemain matin l’ado à qui nous avons donné du Doliprane vient nous voir en nous disant qu’il va beaucoup mieux. Il nous apporte un grand seau de crevettes toutes fraîches qu’il veut nous donner pour nous remercier mais on insiste pour le payer tout de même. Vu qu’on en avait déjà acheté un kilo sur le quai un peu plus tôt on va pouvoir manger des crevettes toute la semaine :)) ça tombe bien on adore ça .

Un peu plus tard dans la matinée une embarcation du parc naturel vient nous voir pour nous dire très poliment que nous devons partir. Nous sommes ancrés sur un récif artificiel nouvellement créé et classé espace protégé (juste devant la jetée, au beau milieu du chenal…). Il nous suggère d’attendre l’étale car notre ancre risque fort d’être coincée. Le sondeur donnait effectivement des indications assez bizarres mais toujours au moins 8 mètres de profondeur. Dès que la renverse s’amorce on relève donc et l’ancre remonte sans difficulté ouf !