Archives mensuelles : septembre 2022

En route pour contourner la Corne de l’Afrique.

Corne de l’Afrique: c’est le nom donné à cette partie Est du continent Africain composée principalement de la Somalie et débordée par l’île de Socotra (appartenant au Yemen mais gérée en ce moment par les Emirats Arabes Unis). En partant de Tanzanie pour aller sur Djibouti ou la mer Rouge, il nous faut la contourner et ce n’est pas une croisière anodine car en plus des aléas météorologiques, toute la zone est tristement célèbre pour être infestée de pirates principalement Somaliens mais aussi parfois Yemenites. Fort heureusement leur activité semble s’être trés fortement calmée depuis quelques temps grâce aux effort des forces navales internationales patrouillant la region et la de relative amélioration des conditions et de l’autorité gouvernementale en Somalie.
Ces forces navales sont aussi nos anges gardiens pour cette traversée. Une zone dite à risque élevé a été définie. Elle s’étend sur une bande d’environ 300 milles le long de la côte Somalienne de l’océan Indien, tout le Golfe d’Aden et la partie Sud de la Mer Rouge. Tous les navires transitant dans cette zone doivent s’inscrire au prés d’au moins un de ces organismes et envoyer leur position tous les jours. Pour nous il s’agit de la force navale Européenne opération Atalanta, du commandement de la Marine Française pour l’Océan Indien et de l’organisation Britanique du commerce maritime (UKMTO) mais de nombreux autres navires militaires de pays comme les Etats Unis, le Japon ou la Chine patrouillent aussi la zone. Pour l’instant on à encore vu personne mais c’est rassurant de les savoir dans le coin. Les navires marchands ont en général des gardes armés à bord et certains plaisanciers emportent des armes réelles ou factice pour intimider d’éventuels agresseurs ce n’est bien sûr pas le cas à bord de Rêve à Deux, espérons que nos tronches de pauvres retraités suffiront à les mettre en fuite.
Mais me direz-vous, tant que vous n’êtes pas dans le Golfe d’Aden, pourquoi ne pas simplement éviter la zone à risque. En jetant un simple coup d’oeil à une carte des vents et des courants vous comprendrez facilement pourquoi. En cette saison, au large de la zone à risque les courants sont contraires et les vents au mieux aléatoires ou inexistants (nous sommes aux environs de l’équateur), tandis que plus près de la côte le courant est favorable et le vent de mousson portant. Nous avons donc décidé d’évoluer entre 100 et 150 milles de la côte, pour bénéficier du courant et du vent tout étant suffisamment éloigné pour ne pas attirer l’attention.
Nous avons choisi de partir vers le 20 Septembre car c’est l’époque ou la mousson de Sud Est commence à faiblir tout en nous laissant suffisamment de temps pour arriver dans le Golfe d’Aden avant de s’inverser. Et de fait, Samedi 18 Septembre nos premiers routages nous indiquent des conditions favorables avec pour la première fois depuis que nous étudions ce parcours la zone autours de Socotora n’apparaissant pas complètement rouge (vents fort) mais d’une jolie teinte allant du jaune pâle au vert sur les gribs.
Le dimanche a été consacré à la mise à jour de ce blog avec toutes les photos que nous avions ramenées de notre safari !(voir articles précédents). Lundi nous avons fait nos courses de fruits et légumes pour une longue traversée des fois qu’il nous prendrait l’idée de continuer directement jusqu’au Soudan. Nous avons aussi fait les formalités de sortie, douane (au port) et immigration (au club).
Le bon créneau météo se confirmant nous sommes partis comme prévu Mardi matin. Depuis nous naviguons dans d’excellentes conditions: mer peu agité, vent portant modéré, courant favorable et très beau temps. En exactement 7 jours nous avons parcouru 1220 milles, fait un bord de spi sans une seule manoeuvre pendant 36 heures, vu le rayon vert au coucher du soleil, aperçu deux grosses baleines, une grande famille de dauphins, pleins de fous de bassan et pétrels, croisé trois cargos allant vers le sud et franchi l’équateur! (c’est la 8ème fois depuis le début de notre tour du monde) Nous sommes depuis quelques jours dans l’hémisphère nord et nous devrions doubler la pointe Est de Socotra d’ici 48 heures. Affaire à suivre!
(envoyé depuis notre Iridium)

Mambo, perle des monts Usambara

Pour aller du parc à Mambo, Ally notre guide préféré, nous a proposé de quitter la route principale à Mkomazi pour prendre la piste qui passe dans la vallée entre les monts Pare et Usambara et attaquer la montagne par le nord, route en apparence plus courte mais en fait beaucoup plus difficile et jouissant d’une vue exceptionnelle.

La plaine au fond de la vallée est une alternance de savane séche et de grandes plantations de sisal (pour plus d’info sur cette plante extraordinaire je vous conseille de lire cette page) entrecoupée de villages d’apparence très pauvre et pour certains plutôt mal entretenus (nous apprendrons plus tard que certains ne servent en fait que d’hébergement temporaire pour les habitants des villages de la montagne qui viennent cultiver ou surveiller les plantations).

Après cette plaine, nous attaquons la montagne. Et la piste est vraiment escarpée et sinueuse tant est si bien que nous sommes tout le temps en première ou seconde courte. Survient un virage encore plus serré que tout les autres. Le Land Cruiser d’Ally est trop long pour le prendre en une seule fois, il faut manœuvrer. Domi sort pour le guider et mettre des cales au cas où, Ally amorce une marche arrière et c’est là qu’on entend un grand crac! L’arbre de transmission vient de casser et tomber sur la route… C’est fini pour aujourd’hui, Ally téléphone à la Lodge pour nous envoyer un autre véhicule. Il restera sur place toute la nuit pour garder son 4×4 et tenter une réparation de fortune pour pouvoir aller jusque chez un mécanicien.

La montée est longue et la piste en très mauvais état mais la vue est effectivement extraordinaire. Nous sommes reçu comme des princes. Malgré l’heure tardive, nous sommes en milieu d’après midi, la cuisinière à préparé un bon repas rien que pour nous. Un fois restaurés nous découvrons notre chambre ou plutôt notre villa grandiose! C’est une grande maison construite de façon traditionnelle et perchée tout en haut de la falaise avec une vue imprenable sur la vallée, les montagnes et quand le temps est dégagé le sommet enneigé du Kilimandjaro.

Mambo View Point n’est pas une résidence hôtelière ordinaire, d’abord, par son architecture et son positionnement, elle s’intègre parfaitement dans le paysage tout en faisant profiter à ses clients d’une vue extraordinaire. Ensuite, c’est une Eco-lodge, et à ce titre essaye donc de minimiser son impact sur l’environnement. Mais surtout, les propriétaires et Dagmara, la gérante de l’établissement sont très fortement impliqués dans le soutien à la population locale à travers de nombreuses initiatives comme par exemple l’apprentissage de la couture ou de la gestion d’une petite entreprise pour les jeunes femmes qui n’ont pas pu poursuivre leurs scolarité après l’école primaire. (plus sur cette page)

Nous passerons là bas 3 jours de rêve, alternant les randos (falaises et villages, grottes, forêt primaire et cascade) et repos en admirant la vue.

La terre est très fertile dans les petits vallons bien irrigués sur les flancs des quels les habitants pratiquent l’agriculture en terrasse et produisent principalement de la pomme de terre et du maïs.

Les maisons traditionnelles sont faites d’une armature en bois remplie de terre qui sèche sur place et qui est ensuite recouverte d’un enduit de terre blanche très lisse pour mieux résister aux intempéries. Les constructions les plus récentes sont en briques faites de la même terre séchée au soleil puis consolidées dans un four rudimentaire construit sur place (en fait ils empilent les briques d’une certaine façon et font un feux dessous). Les toits étaient recouvert de plaques découpées dans les bidons en fer blanc utilisé pour l’huile alimentaire, un matériaux de récupération intelligent et qui résiste très bien dans le temps. Malheureusement, tous les bidons étant maintenant en plastique les nouvelles constructions sont désormais recouvertes, comme partout ailleurs, de tôles ondulées.

Chez nous en France, les villages ruraux de 300 à 400 habitants ont du mal à garder une classe ouverte faute d’un nombre suffisant d’enfants en âge d’aller à l’école primaire (minimum 15). Ici aux alentours de Mambo, l’école primaire d’un village de la même taille compte 500 élèves inscrits mais ne dispose que de 4 salles de classes. Pour certaines leçons, le chemin de terre qui même à l’école est utilisé comme classe, les talus qui le bordent servent de pupitre et sa surface poussiéreuse de tableau noir…

Notre séjour touche à sa fin, il est temps de redescendre sur terre. Le taxi nous amène vers la plaine en passant cette fois par Leshoto. Une route en bien meilleur état qui traverse les cultures et les villages. Nous sommes ravis de retrouver Ally à Mombo (ne pas confondre avec Mambo) sa voiture enfin réparée. C’est lui qui nous conduit à Tanga. La région est riche en vergers nous en profitons pour faire une bonne provision de délicieuses oranges. Un dernier repas ensemble en arrivant et il nous faut nous séparer. Au revoir Ally! Et merci du fond du cœur pour toutes ces choses que tu nous as apprises sur ton pays superbe, ses habitants, sa faune et sa flore.

Nous sommes Samedi, on doit partir Mardi matin (20/09/2022). Le dimanche sera consacré à la mise à jour de ce blog et le Lundi aux courses (fruits et légumes pour un mois de mer) et aux formalités de départ (douane , immigration). On aura tout de même le temps de passer une soirée super sympa autours d’un cochon grillé avec Patrick et Maria

Safari au parc national de Mkomazi

Nous n’avions pas envie de faire des heures de voiture d’un bout à l’autre du pays ni de nous retrouver à 50 véhicules autour d’un pauvre rhinocéros. Malgré son immensité et la diversité de sa faune le Serengeti ne nous attirait donc pas de trop. Nous recherchions un endroit à la fois plus proche et moins fréquenté. Suivant les recommandations du Yacht Club nous avons don choisi le Parc National de Mkomazi et les montagnes de Usambara. Nous avons demandé à Dagmara de Mambo View Point Eco Lodge de nous concocter un petit programme d’une semaine sur mesure. Je peux tout de suite vous dire que nous n’avons pas été déçu. C’était absolument génial d’un bout à l’autre!

La route entre Tanga et le parc

Mkomazi est le plus récent des parcs Tanzaniens et de ce fait il n’est pas encore connu des touristes (sur la plupart des guides il apparait encore comme simple réserve animalière). C’est la continuation du Parc de Tsavo au Kenya et nous sommes à la fin de la saison sèche pendant laquelle les animaux sont encore de ce côté ci de la frontière.

Lundi 12/09/2022, à 08:30, Ally notre guide vient nous prendre au yacht club. Pose déjeuner à Same puis nous prenons nos quartiers au « bandas » (hébergement en petit pavillons de deux chambres tous neufs géré le parc national) de Mkomazi. A 15:00 nous sommes sur les pistes du parc et à 15:20 nous voyons notre première girafe du séjour. Le reste de ces 3 jours, je vous le laisse découvrir à travers nos images (il y a en a beaucoup).

Bandas juste à l’entrée du parc Nous y coucherons deux nuits

En trois jours dans le parc (une après-midi, une journée complète et une matinée), nous ne verrons que 3 autres véhicules, et jamais proche de nous lors d’une observation d’animaux: le rêve!

A noter qu’ici comme dans beaucoup d’endroit du globe la sècheresse est beaucoup plus forte que d’habitude. Le point d’eau principal ce rétrécit à vue d’œil et les animaux venant boire s’enlisent de plus en plus souvent dans la boue qui a remplacé l’eau. Les hommes en orange que l’on voit sur quelques photos sont des prisonniers, arrêtés principalement pour braconnage, qui en guise de peine de réhabilitation, viennent sauver les animaux enlisés et creuser un bassin pour faciliter l’accès à l’eau.

Avec nous pour ces trois jours, en plus d’Ally et de sa connaissance approfondie de chaque recoin du parc et de tous ces animaux, Joyce et Helen, toutes deux étudiantes d’une école de guide d’Arusha, en stage de formation, ici, pour quelques semaines. Leur connaissance des oiseaux épaulée par des applis très bien faites sur leurs téléphones et leur enthousiasme rendra ce séjour encore plus agréable.

Mercredi dans l’après midi des souvenirs de bêtes sauvages plein les yeux, nous reprenons la route vers Manbo View Point et les monts Usambara ce qui s’avérera être une aventure en soit…

pour la protection et la reproduction des rhinocéros noirs un parc totalement fermé et sous protection de rangers a été créé.

Des mangroves de Pemba au Yacht Club de Tanga

Samedi 10 septembre 2022, nous sommes pressé de quitter cette zone hôtelière pour aller découvrir Pemba distante de seulement 35 milles mais beaucoup moins fréquentée. Le vent est très faible mais le courant favorable aide le spi à porter

La côte Est de Pemba est un dédale de banc de sable et de mangroves. La cartographie est archi fausse sur toute l’île en dehors d’une zone entourant le port de Mkoani qui a été mise à jour sans doute pour éviter que les ferries ne s’échouent. Heureusement nous avions pris la précaution de télécharger des images satellites de bonne qualité moyennant quoi nous n’avons rencontré aucun problème pour trouver nos mouillages de rêve (à deux). Comme celui-ci, juste au nord de la péninsule de Mkumbuu ou nous avons pu visiter les ruines malheureusement abandonnées de ce qui serait la plus ancienne mosquée et les plus vieilles tombes musulmanes du pays.

La mangrove et un habitat de choix pour de nombreuse espèces d’oiseaux. Ici des oies et de petits échassiers

La plupart des baies offre un fond de sable de très bonne tenue. Mais devant Ndagone, ce n’était que de la roche plate ou l’ancre n’accrochait pas.

Le narguilé un appareil bien pratique pour changer les anodes (vous noterez au passage qu’il était grand temps d’en changer)

L’eau est en général assez claire (si on évite les estuaires de rivière) mais il n’y a pas de coraux, juste du sable, des herbiers de posidonies et par-ci par-là quelques rochers isolés.

Sur Kingoji, village sur la colline et camp de pêcheur sur la plage. Entre deux sorties il faut faire sécher les voiles: elles sont en coton! Il y a aussi un des rares hôtel de l’île mais il est très discret et bien intégré dans le paysage.

Sur les arbres de la mangrove, les pêcheurs font sécher des peaux de diodons (poisson porc-épic ou poisson globe) .

Mais nous voulons aussi consacrer une bonne semaine à explorer l’intérieur de la Tanzanie et comme en Octobre la mousson s’inverse il nous faut être près à continuer notre remontée au plus tard le 20 Septembre, il est plus que temps de quitter cette île très attachante et rejoindre Tanga

Le Yacht Club de Tanga situé la côte Est de la péninsule qui ferme la baie, est le point de rencontre privilégié des voileux de toutes nationalités qui arpentent la côte de l’Afrique de l’Est. Le mouillage (sur ancre) est bien protégé de tous les vents et parfaitement sûr. C’est l’endroit idéal pour laisser Rêve à Deux le temps d’un safari de quelques jours et préparer le bateau pour la prochaine étape.

C’est au club que nous ferons la connaissance de Patrick, navigateur malouin autour du monde depuis 1984, de Maria jeune entrepreneuse locale productrice de savon bio et de Luc et Carole amoureux de l’Ethiopie et qui explorent l’Afrique de long en large avec leur 4X4 aménagé. Ensemble nous passerons des soirées mémorables en échangeant nos expériences autour d’un bon plat dans les restos du coin.

Le centre ville de Tanga est facilement accessible en Dala Dala (minibus) ou en tuk tuk. En ville pas de grand super marché ni de « shopping mall » moderne mais nombreuses banques et commerces et surtout, grands marchés ou l’on trouve de tout.

Les singes omnis présents dans les jardins du club et des propriétés bordant la mer nous rappelle que nous sommes bien en Afrique…

Côté formalités, à peine l’ancre avait-elle touché le fond que nous avions la visite de l’immigration et du service de santé. Comme nous avions déjà fait notre « check in » à Zanzibar l’officier d’immigration est repartis tout de suite. Par contre comme nous n’avions pas reçu la visite de la santé à Stone Town, nous avons du montrer nos certificats de vaccinations (fièvre jaune) et remplir les formulaires. Le lendemain matin nous avons déposé une copie de notre Transire à la douane du port.

On profite du temps qui nous reste avant le départ en Safari pour faire le plein de gasoil (aller et retour en tuk tuk jusqu’à la station service) et d’eau (aller en dala dala jusqu’à la boutique du marchand, retour sur le plateau d’un camionnette avec 10 bonbonnes de 20 litres d’eau minérale – comme nous buvons l’eau du réservoir on ne prend pas le risque de remplir avec de l’eau du robinet.)

Le nord de l’ile de Zanzibar

La côte Nord-Est de Zanzibar et bordée de plages et de mangroves et la grande baie de Mkokotomi offre de nombreuses possibilités de mouillage tranquilles et abrités: une excellente opportunité pour découvrir un peu de la vrai Zanzibar!

Passé la plage et ces nombreuses barques de pêche on découvre villages et hameaux paisibles de chaque côté de la route côtière qui fait le tour de l’île. A noter pour les voileux une zone d’environ 1 mille le long de la côte au nord de Potawa est réservée à la marine où il est interdit d’y ancrer.

Mais quand on atteint Kendwa plus de villageois accueillants ni d’enfants souriants. Les petites constructions traditionnelles ont fait place à de gigantesques hôtels. Sur la plage de sables blancs certes très belle il y a plus de marchand de souvenirs et autres faux masaïs que de touristes. On est sans doute un peu tard dans la saison dans la plupart des pays les enfants ont repris l’école et l’activité n’a peut être pas complètement reprise après le covid.

Après tout, ce n’est sans doute pas une mauvaise idée de concentrer le tourisme de masse sur quelques zones comme ici entre Nungwi et Kendwa, le reste de l’île peut ainsi préserver son authenticité et ses habitants leur tranquillité.

Régates sur la côte de Zanzibar

Après avoir nous être réapprovisionnés en fruits et légumes et autres vivres frais au marché super bien achalandé de la rue Darajani et admiré une dernière fois les vieilles ruelles nous quittons Stone Town, pour aller vers le nord en longeant la côte sous le vent de l’île (côte Est) à la rencontre des bateaux traditionnels.

Mouillages tranquilles devant de jolies plages, on en profite pour nettoyer et graisser les winchs mais les pêcheur locaux eux n’ont pas besoin de winchs pour naviguer.

Les voir naviguer sur leur pirogues à voiles latines est un vrai régal. Ici pratiquement aucun pêcheur n’a de moteur. Il faut dire que ces embarcations avancent remarquablement vite quelque soit l’allure et remontent sans problème à 45° du vent. Seuls inconvénients de ces gréements étonnants: les virements de bords et empannages se font un peu comme en planche à voile sauf qu’ici les mâts sont partiellement haubanés et bien sûr la prises de ris ne sont pas prévues. De conceptions ces bateaux sont quelque part entre le trimaran et le foiler, en effet, les « flotteurs » ne sont en fait que de simple planches montées sur la tranche et servant à la fois de dérive et de stabilisateur et bien sûr, plus ils vont vite, plus c’est efficace et vent de travers les 10 noeuds sont atteints assez facilement surtout avec un équipier au trapèze!

Les plus petites pirogues sont creusées directement dans un tronc d’arbre, sur les plus grosses seule la pièce d’étrave et parfois le fond sont taillés dans la masse le reste étant construit en bordé plus ou moins classique. Gros avantage sur les bateaux en plastique stratifié, ils sont toujours réparables, il suffit de changer le bois abimé.

A noter qu’en Tanzanie, les vielles coques en bois et les voiles latines ne sont pas l’apanage des seuls pêcheurs. La plus grande partie du cabotage commercial entre les îles et les différents ports de la côte est fait encore par des dhows (boutres) à voile. Flambée du prix des carburants? Connait pas! Et en plus c’est bon pour la planète!

Zanzibar (Stone Town) la gloire de l’empire Omanais

baladez vous dans Zanzibar le dimanche c’est un vrai plaisir

Stone Town (ville de pierre)La capitale de l’ancien sultana de Zanzibar construite au 18ème siècle à l’apogée de l’empire Omanais a longtemps été la plaque tournante du commerce des esclaves et des épices entre l’Afrique de l’Est la péninsule Arabique et l’Asie. Le profit réalisé sur ces commerces florissants transportaient encore la richesse de l’architecture des bâtiments et de la ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Dont je vous suggère de lire la justification sur cette page.

Le dimanche c’est plutôt calme à Zanzibar

A noter que si Zanzibar à une très longue histoire, l’ile ne fait partie de la Tanzanie que depuis 1964 date de l’indépendance et de la fusion avec le Tanganika d’où le nom du nouveau pays: Tanzanie. Pour en savoir plus consulter ces pages sur l’histoire de la Tanzanie et de Zanzibar

Le lundi c’est le jour pour le bazaar, le marché et retour par les petites ruelles au bateau

Bien sur il y a beaucoup de sollicitations de la part des locaux, guides, patrons de barques et autres vendeurs de souvenirs mais leur attitude n’est jamais agressive ni déplacée et à leur décharge, le business reste rare, après deux ans de Covid, le tourisme n’a pas encore vraiment repris.

Ces deux jours passés dans une vrai vieille ville avec toute une histoire nous on fait un bien immense! Depuis que nous avons quitté notre vieille Europe en 2018, à part quelques villes d’Amérique du Sud comme Salvator de Bahia, Parati, Cuzco et le Machu Pichu nous n’avons pas visité beaucoup de cités historiques dignes de ce nom. Ça nous manquaient réellement!

En route pour la Tanzanie

Lundi 23 août 2022 nous sommes prêts à partir, juste le temps de passer à l’aéroport faire tamponner la clearance par la PAF puis à la capitainerie du port à Mamoudzou ou le maître de port ajoute son tampon. Nous en profitons pour acheter du pain frais et quelques fruits et légumes pour la traversée.

A 16:00 le bateau bien rangé nous quittons le corps mort de Dzaoudzi. Merci à tous les membres de l’ACHM, visiteurs compris pour leur accueil et leur gentillesse.

Pour cette première soirée nous avons prévu de nous arrêter à l’îlot pour être tout près de la sortie demain matin.

Vrai départ à 8:00 mardi matin le temps est beau de notre côté de l’île mais au Sud Ouest du lagon les conditions semblent plus musclées comme en témoigne ce mayday relay du CROSS que nous suivons avec anxiété (voir cet article).

Enfin d’après midi nous sommes en vue d’Anjouan, la plus à l’est des Comores. Nous sommes vent arrière voiles en ciseaux (tangon + retenue de bôme) dans une gentille brise d’une quinzaine de nœuds. Le soleil se couche quand nous sommes interceptés par les gardes côtes comoriens, pas d’appel VHF, il se contente d’essayer de se faire comprendre à la voix et au geste. Ils se mettent en travers de notre route pour nous forcer à nous arrêter avant de réaliser que de la façon dont sont réglés nos voiles on ne va pas pouvoir stopper sur place. Ils se dégagent en marche arrière au dernier moment. On a bien failli les couper en deux heureusement qu’ils avait des moteurs puissants. Finalement on arrive à communiquer en par VHF et on parlemente un bon moment, ils nous demandent tous les détails du bateau, du trajet et de l’équipage. Le grand chef à la base voudrait nous parler mais la liaison est très mauvaise et on n’arrive pas à se comprendre : heureusement! il était question d’entrée illégale dans les eaux territoriales et de venir à quai à la base pour un contrôle… Entre temps le vent a molli et tourné de 30° il nous faut dé-tangonner et empanner. Finalement au bout d’une bonne heure de suspense ils nous autorisent à reprendre notre route.

Le reste de la traversée se passe sans encombre. Pas grand-chose à raconter si ce n’est que le bon courant portant sud – nord qui devait se manifester à 75 milles de la côte Africaine, au niveau de la frontière entre le Mozambique et la Tanzanie, et rester contraire et ne s’est enfin établi qu’une centaine de mille plus au nord pourtant les modèles RTOFS et Copernicus étaient d’accord. Le vent aura aussi été plus paresseux qu’annoncé. Du coup, notre estime ne nous faisant pas arriver à Zanzibar avant minuit, nous préférons nous dérouter sur les petits îlots à l’est de Dar Es Salaam pour y passer la nuit.

Notre arrivée sur la côte en milieu de journée est récompensée par l’apparition de 8 bateaux traditionnels tirants des bords sous leurs magnifiques voiles latines. Ce n’est pas une régate, ce sont juste les pêcheurs du coin qui travaillent.

Après une nuit paisible bien à l’abri de la houle sous le vent des îlots Sinda nous repartons vers Zanzibar que nous atteignons Samedi 27 Août vers 16 heures. Nous sommes juste devant Stone Town la vieille ville historique construite par les Sultans Omanais. A peine notre ancre a-t-elle touché le fond que nous sommes invités pour l’apéro à bord d’Erebus par Amandine et Fred. Une arrivée dans ces conditions c’est bien agréable, on a bien fait de ne pas essayer d’arriver la nuit dernière !

Infos utiles pour les voileux

Mouillage: la zone devant la ville de Stone Town (côté Nord-Est) est protégée du vent dominant de mai à octobre mais même en cette saison la mer contourne la pointe de sable rendant l’endroit assez rouleur. En plus les catamarans rapides et autre ferrys qui desservent l’île passent très près de la zone de mouillage sans ralentir: n’oubliez pas de ranger la vaisselle avant d’aller dormir! Le seul endroit praticable est juste devant l’hotel Tembo, légèrement en retrait des barques mais pas trop loin sinon vous êtes en plein sur la trajectoire des vedettes (nous avons mouillés par 06°09.5946’S 039°11.1749’E). Remontez votre annexe tout en haut de la plage sur la gauche à côté des quelques barques retournée. Il y a un robinet d’eau potable gratuite.

Malgré l’inconfort relatif du mouillage, l’escale juste en face de la vielle ville Omanaise est un régal et en plus, c’est l’endroit idéal pour faire son entrée en Tanzanie

Immigration: (ouvert tous les jours même le dimanche) à l’intérieur du terminal des ferrys, l’équipage au complet doit être là, présenter les passeport, liste d’équipage et clearance départ du port précédant. Le visa (90 jours) coûte 50USD payable au guichet de la banque dans le même terminal. Les fonctionnaires sont très gentils et parlent un bon anglais. L’opération dure moins de 15′ photo et paiement compris. Une fois vos passeport tamponnés vous êtes libre de circuler dans tout le pays.

Douane: (fermés le weekend) Au port des dhows, il faut rentrer dans l’enceinte portuaire, il y a un bureau de douane juste à l’entrée mais le service qui s’occupe des clearances est au fond d’un grand hangar sur le quai. Ici aussi fonctionnaires adorables parlant anglais. N’oubliez pas de demander votre transire (le document qui vous permet de naviguer jusqu’à votre prochain port) avec suffisamment de temps pour flâner en route sans être obligé de revenir. Toute l’opération se fait en moins de 10′. (pas besoin d’agent intermédiaire ni pour l’immigration ni pour la douane)

Cartes SIM: il faut aller au bureau principal d’un des principaux opérateurs (Vodacom, Tigo ou Airtel) car en tant qu’étranger, dans une boutique ordinaire, vous ne pourrez pas acheter de carte sans passer par un intermédiaire local. Nous sommes allés chez Vodacom et nous avons obtenu une carte SIM avec data illimité pour 53000TZS (environ 23EUR). Il nous a suffit de présenter notre passeport et patienter un peu que le système valide notre carte. Airtel est dans le même bâtiment,tout au bout de la rue Daragani pas très loin de l’entrée du souk qui donne sur le marché.

Le tour de l’ile et réglage des haubans

Le tour de Grande Terre

Lundi soir les câbles étaient commandés et payés chez Technique Gréement à la Trinité sur Mer. Unimar à le Réunion n’avait pas les bons embouts il aurait donc fallu les commander en métropole.

Dés le mardi soir nous sommes informés qu’ils sont fait et que DHL les prendra en charge dès le lendemain. Il ne reste donc plus qu’à attendre la livraison. Avec le long weekend du 15 août qui se profile, aucune chance de recevoir quoique ce soit avant Mardi. Autant donc en profiter pour finir notre tour de l’île avorté samedi dernier. Le temps de faire quelques courses à l’Intermarché Baobab de Mamoudzou est on sera parti. Mamoudzou est en fait une petite ville plutôt agréable si l’on excepte les embouteillages permanents de l’axe principal, et pour nous depuis Dzoudzi, grâce à la barge ce n’est pas plus compliqué que d’aller à Padmandzi ou à Labattoir.

Bon, bien sûr dans l’état ou est le gréement, il va falloir y aller mollo. Foc seul, les 2 bastaques prises en permanence et trinquette dès que le vent dépasse 14 nœuds… Le vent ayant aujourd’hui pas mal d’Est dans son Sud on arrive rapidement au bout de l’île sans avoir à tirer de bords.

Première nuit (Vendredi 12/08/2020) à Kenikeni. Samedi matin, on voulait aller faire du Snorkeling sur le récif. Celui de la plage de N’Gouja est parait-il très bien mais avec la houle de Sud Est les corps morts sont beaucoup trop près du bord. Même constatation pour ceux des récifs du lagon. Pas de plongée donc pour aujourd’hui. Nous ancrons devant l’école de voile May voile à l’est de la baie de Bouéni. Le soir les moniteurs de voile nous invite à prendre un verre avec eux.

Dimanche on va se balader à Poroani qui saurait un joli village typique si les ordures étaient ramassées, si les égouts à ciel ouverts ne se déversés pas directement dans la mangrove et si le bord des rues n’était pas jonché d’épaves de voiture vandalisées ce qui met en évidence l’incapacité du gouvernement et du conseil général à gérer le département (ne chercher pas les photos, ici les recommandations sont de ne surtout rien prendre avec soit en balade)

Le soir, nous consultons les suivis DHL et Chronopost qui nous indiquent que nos cartes de crédit et nos câbles sont arrivés à Mayotte. Mais demain est encore férié nous avons donc le temps de finir tranquillement le tour de l’île.

Lundi 15 août, le temps est maussade et le vent souffle du Nord-Est rendant impraticable les mouillages des îlots de Mtsanboro et Choizil. On n’a pas dérangé les baleines qui en cette saison sont dans le lagon pour mettre bas. En début d’après midi, le temps se dégage et le vent se calme ce qui nous permet de faire une superbe petite plongée (masque et tuba) sur un récif au milieu du lagon en face de Longoni.

Mardi matin dès l’ouverture des bureaux on se précipite sur le téléphone pour s’enquérir de la livraison de nos paquets. Ils sont bien arrivés mais toujours dans la zone de fret de l’aéroport et il faut plusieurs jours pour qu’ils soient dédouanés et remis au livreur. Mais on ne va pas rester à attendre qu’ils daignent nous les livrer : on relance tous les jours de préférence en se rendant sur place pour être sûr qu’on nous réponde. Finalement nos cartes de crédit seront livrées par le facteur jeudi matin (pendant qu’on était partis les chercher au centre de tri) mais ce n’est que vendredi à 16:00 que le suivi DHL nous annonce que le dédouanement à été effectué mais que la livraison n’est prévue que pour le 30. On se précipite chez eux, on paye la taxe (toutes les marchandises sont exportées de métropole hors taxe mais doivent payer l’octroi de mer – dans notre cas 20 %- à leur entrée dans un DOM) et on nous remet notre colis quelques minutes avant la fermeture du bureau. Ouf ! On cherchait quoi faire ce weekend, maintenant on sait !

Le soir même les D1 (bas haubans) sont en place suivi des D2 (intermédiaires) samedi matin. Reste à tout régler. Les fois précédentes nous avions fait confiance au gréeurs mais rétrospectivement nous avons réalisé qu’ils avaient ajusté les tensions au pif (il parait que çà s’appelle expérience professionnelle ou même savoir faire). Nous y passons plus de temps mais nous mesurons et re-controllons précisément les longueurs et les tensions de tous les éléments du gréement. La touche finale est portée dimanche matin. Je n’aurais jamais passé autant de temps accroché dans mon baudrier à faire le singe dans la mature. En plus entre chaque câble je dois redescendre pour démonter ridoir et coquille sur l’ancien que je viens d’enlever et remonter le nouveau. Anne en a plein les bras à force de me wincher ! D’habitude on utilise un palan et je monte tout seul en utilisant un bloqueur d’escalade mais là comme il fallait monter aussi les câbles et passer sans cesse d’un côté sur l’autre c’était trop compliqué. Heureusement qu’on ne devait pas changer aussi les D3 tout là haut…

Dimanche après midi nous sommes près pour les essais à la mer dans le lagon. Marie Christine s’est proposé pour nous accompagner et nous aider pendant ces essais. Marie Christine navigue en solitaire au tour du monde depuis 1984 sur son Trismus en aluminium Flanneur. Ce n’est pas sa première escale à Mayotte et elle connaît aussi très bien la Tanzanie. On passe une excellente après-midi à tirer des bords autour de Mbouzi. Le vent de 12 à 20 était parfait pour nos essais et le réglage du gréement était tip top. On a conclu ce week-end très actif sur une super soirée ensemble à bord de Rêve à Deux en parlant beaucoup de nos voyages et de nos lectures.

Bien joué! nous sommes parfaitement dans les temps pour partir dés demain vers la Tanzanie

Mayotte: le département français du désespoir

Le parcours de Mayotte à travers l’histoire n’a jamais été un long fleuve tranquille et tant s’en faut. Premier peuplements venant du continent Africain, envahisseurs Arabes, luttes incessantes avec les îles voisines de l’archipel des Comores et entre ses propres sultans, traite des esclaves par les Arabes et les Indonésiens puis les Portugais, Mayotte entre finalement dans le giron de la France pendant la dernière partie du 19ème siècle dans le cadre d’un protectorat regroupant l’ensemble des Comores et Madagascar. C’est aussi l’époque de l’abolition de l’esclavage qui est rapidement remplacé par le travail forcé dans les plantations.

Couverture de la BD Mayotte rencontre de peuples et de civilisations de Nassur Attoumania
ISBN :978-2-7468-3905-2

Après la deuxième guerre mondiale, L’ONU fait pression sur les puissances coloniales comme la France pour rendre leur indépendance aux peuples autochtones. En 1974 la France s’apprête à signer un traité faisant de l’ensemble de l’archipel des Comores un nouveau pays libre et indépendant. Mais les mahorais voient d’un très mauvais œil d’être amalgamés aux autres îles de l’archipel avec lesquelles ils se sont tant battus par le passé. Ils font pression sur le gouvernement et un référendum, pour ou contre l’indépendance est organisé séparément dans chaque île. Mayotte vote à une écrasante majorité contre, alors que le reste de l’archipel fait le choix inverse. Mayotte devient Territoire d’outre-mer. Ce n’est qu’en 2009 qu’un nouveau referendum est organisé et que l’île devient le 101ème département Français. Mais la paix et la sérénité de l’archipel ne sont pas pour autant au rendez-vous.

Ce département, qui compte 275 000 habitants officiellement recensés (mais plus de 300 000 en réalité), ne dispose pratiquement d’aucune ressource, pas d’industrie ni d’agriculture (à part quelques maraichers régulièrement pillés et une production anecdotique de vanille et d’ylang-ylang), très peu de pêche, un tourisme exsangue malgré un cadre magnifique. Des efforts semblent être fait au niveau des infrastructures (port, aéroport) mais les petites communes manquent d’infrastructure collective, le réseau routier est saturé et dans un état déplorable, les bâtiments publics ne valent guère mieux. A titre d’exemple, dans le centre historique de Dzaoudzi – chef lieu officiel du département- depuis les secousses sismiques de 2019 qui ont légèrement endommagés de nombreux bâtiments, tout est laissé à l’abandon… sauf la caserne de la légion étrangère qui a été entièrement remise à neuf…çà en dit long sur les priorités! Nous ne sommes ni sociologue ni économiste mais combinez cette situation déjà désastreuse à une forte immigration clandestine et une démographie galopante et on se retrouve en présence de tous les ingrédients d’un cocktail explosif.

Et de fait, avant de venir et lors de notre arrivée, beaucoup de gens nous avait dit faite attention ne sortez pas seul surtout le soir, il y a beaucoup d’agressions. Nous ne voulions pas trop y croire, et fort heureusement il ne nous est personnellement rien arrivé pendant notre séjour mais en revenant de Kweeni… la personne qui nous prend fort aimablement en stop insiste pour nous amener directement à la barge (le bac qui relie Grande terre et Petite Terre) « je n’avait pas prévu d’y aller » nous dit-il « mais c’est plus prudent parce qu’hier, ici, c’était la guerre, des jeunes se battaient avec le forces de l’ordre à coup de barres de fer de haches et de machettes ils ont cassé des voitures et mis le feu » (un coup d’œil sur Mayotte la Première confirme les faits).

Violences à Kaweni. Crédit photo: Mayotte la 1ère

A peine rentrés au club on apprend que sur petite Terre un magasin vient d’être mis à sac et le local technique de la mairie vandalisé, butin de l’opération : une douzaine de machettes et plusieurs tronçonneuses et ce n’est sûrement pas pour jardiner. Qui sont les auteurs de ces actes ? Des voyous ? Des émigrés clandestins ? Non ! Ce sont des enfants de 9 à 17 ans avec des papiers en règle pour la plupart. Le livre de Nathacha Appanah Tropique de la violence (ISBN : 9782070197552) donne une idée poignante de la situation.

Nous avons aussi assisté en direct à un autre événement dramatique alors que nous quittions l’île mardi 24 août 2022, à 08:30, le CROSS diffuse un MAYDAY RELAY sur le canal 16. Quelqu’un vient de signaler une coque renversée dans le lagon sud. Étant déjà plusieurs milles au nord de l’île, nous mettrions une bonne demi journée pour arriver sur place, nous continuons donc notre route, mais anxieux, nous écoutons les échanges à sur la VHF. Très rapidement un hélicoptère et des embarcations de secours arrivent sur zone. Après quelque temps de recherche, les premiers naufragés sont repérés mais ce n’était qu’un début, le dernier message du CROSS avant que nous soyons hors de portée faisait état de non plus une mais quatre kwasas (barques locales) renversées. De nombreux naufragés avaient été récupérés mais une dizaine de personnes dont 5 enfants manquaient toujours. Le vent soufflait à 20-25 nœuds mais la mer n’était pas mauvaise qu’est qui a provoqué ce drame ? Sans doute les embarcations surchargée et le choix d’une passe difficile pour éviter d’être repérer. Ce type d’accident dramatique est malheureusement tellement fréquent que les médias n’en parlent même plus Mais pourquoi prendre de tels risques?

Anjouan, la Comore la plus proche n’est qu’à une quarantaine de milles, à peine une nuit en kwasa même surchargé. La différence de niveau de vie entre le département et ces îles parmi les plus pauvre du monde semble tel qu’il justifie amplement le risque aux yeux des malheureux. Le service de santé de ce pays est extrêmement cher quand il existe. Bien sûr beaucoup seront reconduit chez eux, quelques uns passerons entre les mailles du filet et s’évanouiront dans la nature ou ils essayerons de se faire oublier. Ceci est le moyen le plus risqué, mais il y a aussi les simples visites à la famille (malgré des siècles de conflit la proximité des îles fait que beaucoup de familles ont des proches ici) qui s’éternisent. Dans tous les cas, les femmes enceintes proches d’accoucher sont prises en charge et en vertu du droit du sol le bèbè est automatiquement français. Les mères venues en kwassas sont ensuite expulsées les autres sont contraintes de rentrer chez elles faute de visa et de travail mais plutôt que de repartir avec leur enfant et l’exposer à une vie de misère elles préfèrent l’abandonner sur place ou il pourra bénéficier de tout les bienfaits de notre glorieuse république. Sauf que… passé la toute première période les proches qui ont pu s’occuper de l’enfant quelques temps n’en ont plus les moyen et au bout de quelques années le gamin se retrouve livré à lui même, sans école, sans éducation sans autre référence que les bandes et leurs sombres trafics. Plus de 10 000 enfants vivant sur l’île ne seraient pas du tout scolarisés.

Dans un domaine beaucoup moins violent, Porani ce village paisible de la baie de Bouéni. Commerçants sympathiques et maisons pimpantes peintes de couleurs vives mais barricadées de tôles, rues jonchées d’épaves de voitures au pneus crevés, ordures partout et égout à ciel ouvert à l’odeur pestilentielle se déversant directement dans la mangrove: est-ce un cadre propice à l’épanouissement d’une jeunesse qui a déjà perdu tout espoir.

Que faire pour Mayotte ? Cette situation devenue endémique et se détériorant de jour en jour est malheureusement un tremplin pour l’extrême droite et ses discours sécuritaires ainsi que le retour chez certains d’une attitude colonialiste.

Notre ministre de l’intérieur à fait le déplacement pendant notre visite. Quelles solutions propose-t-il ? De réformer le droit du sol pour éviter que les enfants nés d’immigrés ne deviennent automatiquement français et de créer des camps d’internement éducatif gérer par l’armée pour les enfants trop jeunes pour être mis en prison… peu de chance que çà les rendent moins violent ! Mais la solution n’est sûrement pas simplement dans la répression une sécurité renforcée, plus de flics, de verrous et de barbelés. Non ! Il faudrait sans doute essayer de doter l’île d’une vraie économie permettant le plein emploi, renforcer l’infrastructure dans les villages et les quartiers, développer le système éducatif et social et pourquoi pas travailler en étroite coopération avec le gouvernement des Comores pour que des comoriens n’aient plus besoin de prendre ce tels risques. Ce reportage de France Info de 2013 reste plus que jamais d’actualité et résume bien la situation actuelle du département.

Nous ne sommes que de pauvres navigateurs au long cours, que pouvons nous comprendre à une situation aussi complexe après seulement quelques semaines passées sur place ? Pas grand-chose sans doute ! Mais ce que nous avons vu nous a fait très mal au cœur !

Village Mahorais, céramique de Marcel Séjour