Archives mensuelles : juin 2021

Taravao : tourisme terrestre et parcours du combattant

Mercredi 16 Juin 2021 au mercredi 30 juin

Bouclée en 2 jours, la traversée de 380 milles depuis Raivavae s’est avérée comme prévu très rapide mais aurait pu être inconfortable pour beaucoup de bateaux. A 130° d’un vent de 20 à 30 noeuds dans cette mer croisée de 3 m et très courte Rêve à Deux est très à son aise sans qu’on ait besoin de torcher de la toile. La plus grande partie du trajet c’est faite sous grand voile à deux ris et trinquette cette dernière étant remplacée sur la fin par le foc qu’on enroulait ou déroulait au gré des variations de la force du vent. Pour l’occasion on avait remisé la moustiquaire et ressorti la «portière d’hiver» pour être bien au sec sous notre véranda (fortes pluies et vent 3/4 arrière).

L’apparition de la côte de la Presqu’île et de ses falaises et de ses aiguilles vertigineuses entre les sommets cachés dans de gros nuages noirs est un moment magique. Dans cette mer formée de Sud et de Sud Est, le franchissement de la passe nous inquiétait un peu mais le vent est complètement tombé à quelques milles et la passe de Tapuaeraha est large et très profonde (les plus grands paquebots la franchissent) praticable par tout les temps et à n’importe quelle heure de la marée. C’était tout de même intéressant de voir les rouleaux de chaque côtés…

Port Phaéton est une baie parfaitement abritée, coincée entre l’île de Tahiti proprement dite et la Presqu’île. Cette baie est sans doute le mouillage le plus sûr de tout l’archipel: un vrai lac. On compte une cinquantaine de bateaux au mouillage mais on pourrait sans doute y mettre le double.

Dans une crique sur la rive ouest il y a une petite marina mais bien sûr elle est pleine comme un œuf. Au fond de la baie se situe Taravao qui est la ville la plus importante après bien sûr l’agglomération urbaine de Papeete ce qui veut dire qu’on a tout ce qu’il faut à quelques minutes du mouillage (débarquement à la marina – 2km du centre commercial ou à la cale de mise à l’eau des vaas au fond de l’anse – 200m seulement) super marché Carrefour, Super U, magasin de bricolage (ACE), accastillage (Sin Tung Hin Marine), banques, gare routière (bus pour Papeete), pharmacies, hôpital, location de voiture (garage de Taravao) etc.

Pour nous le but de cette escale est triple: 1) visiter l’île côté terre 2) faire réviser le radeau de survie et acheter du matériel de remplacement 3) décider que faire pour la suite de notre voyage.

Après avoir exploré les ressources du coin à pied jeudi , vendredi matin nous louons une petite voiture pour explorer l’île.

Cap sur Papeete via la RT1 côté sud la route suit bien sûr le bord de mer, c’est plutôt joli, on traverse plusieurs villages, il y a beaucoup de circulation bien qu’on soit en fin de matinée. Première étape à Marina Taina (juste avant l’aéroport de Faa) pour déposer notre radeau de survie chez le ship qui va la réviser (Tahiti yacht Accessories). Il est midi et la faim se faisant sentir on s’offre une petite folie: le restaurant presque gastronomique de la marina. La marina est complètement pleine, très peu de chance qu’une place se libère avant très longtemps. Un des locataires longue durée est le Fleur Australe de Philippe Poupon qui parait tout petit entre 2 énormes yacht de luxe.

Quant au lagon, depuis la passe juste devant la marina jusqu’à l’aéroport, ce sont des centaines de bateaux sur corps morts et sur ancre, certains sont habités mais la plupart sont là sans personne à bord depuis le début de la pandémie.

On rentre à Taravao toujours par le RT1 mais cette fois ci côté nord. Cette côte est beaucoup plus escarpée, ici pas de plaine côtière ni de lagon sur la plus grande partie. Comme de l’autre côté il n’y a aucune route qui pénètre à l’intérieur de l’île ou les magnifiques sommets, gorges profondes et végétation luxuriante nous narguent. A Papenoo on voit bien une indication: Parc Naturel mais au bout de 2 km la route empierrée qui suit la rivière est totalement impraticable (on comprend pourquoi ils ont tous des gros 4X4. Le seul point d’intérêt qu’on arrive a visiter côté montagne sera les 3 cascades de Tiarei et encore une seule est en fait accessible (heureusement elle vaut le coup!)

Samedi, on voulait visiter le muséee Gaugin à Papeari (moins de 10 km du mouillage) mais il est fermé depuis plusieurs années et ne rouvrira sans doute jamais.

Par contre, l’immense jardin botanique qui le jouxte est ouvert et parfaitement entretenu. On y trouve des essences provenant de tous les régions tropicales du globe mais la partie la plus fascinante est sans aucun doute la forêt humide qui abrite essentiellement des châtaigniers tahitiens dont les racines sont de vrais œuvres d’art Après un pique-nique rapide nous passons sur la côte sud de la presqu’île jusqu’à Tehupoo. C’est là que la route se termine et pourtant on est même pas encore à mi-chemin de la pointe la plus à l’est de la péninsule. C’est l’un des spots de surf les plus prisés de l’archipel mais aujourd’hui, c’est calme plat aucun rouleau ne vient se briser sur les haut fonds qui bordent la passe. Le bord de mer à des allures de petite station balnéaire avec villas luxueuses et bungalows à louer. Mais juste derrière ce sont de petites exploitations maraîchères. L’ensemble est pittoresque et très agréable. On traverse la rivière à gué pour rejoindre la voiture.

Dimanche, on explore la côte nord de la presqu’île jusqu’à Tautira. Cette côte semble beaucoup plus humide. La route qui pénètre à l’intérieur de la montagne le long de la rivière est privée mais il y a un numéro de téléphone a appeler si on veut y passer. On appelle mais la réponse est très sèche: non on ne passe pas! Dommage on aurait bien voulu voire un peu ces gorges et ces montagnes de près. Tant pis, on se contentera de la côte et on profitera du coucher de soleil sur Tahiti vu de la plage du village.

Mais on a pas utilisé le week-end uniquement pour faire du tourisme. On a aussi recherché comment continuer ce voyage. L’option de laisser le bateau ici dans un port et rentrer en France pour un mois ou deux s’est refermée: aucune place de port, de marina ou de chantier disponible et hors de question de laisser Rêve A Deux seul sur ancre sans surveillance. Et si on essayait de continuer vers l’ouest, peut-être passer encore quelques semaines en polynésie pour visiter au moins Morea et huanine que nous n’avons pas encore vu et de là partir pour les Fiji qui seraient ouvertes… Oui les Fiji çà nous plairait beaucoup. Bien sûr on voudrait éviter d’être bloqué là pendant la saison des cyclones (c’est sans doute l’endroit du Pacifique sud ou il en passe le plus) on verra bien se qui sera ouvert à cette époque là quitte à pousser jusqu’en Thailande) et au pire ils disposent de très bons trous à cyclones ou on peut laisser les bateaux. On se renseigne (internet c’est quand même vâchement pratique,4G plein pot dans tout lemouillage), Véronique notre amie des gambiers nous communique les coordonnées et le blog de leurs amis Fabienne et Dominique qui ont fait le voyage au mois de mai. Finalement çà semble tout à fait faisable.

Le gouvernement des Fiji à mis en place depuis plusieurs mois une procédure spéciale appelée l’initiative «Blue Lin» pour permettre au yachts (très orienté super yachts mais les petits voiliers de plaisance sont aussi les bienvenues) de fréquenter les eaux de l’archipel et faire fonctionner le business local. Les seules mesures supplémentaires par rapport à la procédure habituelle d’avant la pandémie, sont: de passer par un agent (coût 350USD), d’effectuer un test COVID (PCR) 72 heures avant de partir et un autre à l’arrivée et d’arriver obligatoirement à Port Denarau (côte ouest de Viti Levu, la plus grande île – donc le plus loin pour nous. Le texte dit qu’on pourrait aussi arriver à Savu Savu mais çà semble plus compliqué). Il y a aussi une quarantaine de 14 jours mais le temps passé en mer compte – çà tombe bien il y a 2000 milles à faire çà devrait tomber pile poil. On contacte aussitôt un agent (parmi les 3 officiellement reconnus par les autorités) qui nous répond du tac au tac en confirmant la procédure et en nous envoyant tous les documents nécessaires.

Maintenant c’est à nous de jouer pour planifier le départ. D’abord partir quand? Vu le coût des formalités autant y passer le plus longtemps possible et donc partir rapidement, çà tombe bien: l’alizé semble vouloir enfin s’établir à partir du 29 juin donc des vents favorables. Ensuite partir d’où? Avec un test COVID moins de 72 heures avant et des labos habilités seulement à Tahiti et à Moorea, la décision est vite prise. Moorea aurait pu être une option mais il faut de toute façon revenir à Tahiti pour la police des frontières. On partira donc d’ici de(Travao).

On a trouvé un labo à Tamanu (prononcer ta ma nou à ne pas confondre avec t’a mal où…) de ce côté ci- de l’île 20 km avant Papeete et on prend rendez vous pour lundi matin, ils nous promettent les résultats pour le même jour dans l’après-midi.

Par contre pour les formalités de départ ici c’est plus compliqué que sur les îles éloignées (toutes sauf Tahiti et Mooréa) ou tout se passe à la gendarmerie. Ici il faut obligatoirement passer par la douane et la police des frontières , deux administrations bien distinctes.

On commence par se renseigner à la douane à Fare Ute (port de Papeete): c’est facile, on peut venir (sans le bateau;) faire la clearance, quand on veut, quelques jours avant la date prévue pour le départ (si par hasard on en partait pas, il suffit de venir leur rendre le papier). On passera donc lundi après le labo.

La police des frontières (leur bureau est à l’aéroport de Faa) est plus tatillonne. Tout les membres de l’équipage doivent venir à leur bureau avec leur passeport et Il faut obligatoirement partir le jour même. En supposant qu’on ait le résultat du test COVID lundi après-midi et qu’on l’envoie aussitôt à notre agent au Fiji et que ce dernier nous envoie la confirmation du feu vert des autorités mardi, on retournera donc à Faa mercredi matin pour un départ en fin de journée de Taravao.

Vous me suivez – non? Ne vous inquiétez pas, nous non plus au début, mais en faisant un planning sur une belle feuille de papier on a fini par y voir un peu clair. Parce que là vous avez juste les étapes administratives mais il faut y rajouter tout le côté logistique et préparation: refaire les pleins de gas oil, d’eau de gaz, conserves et vivres frais pour la traversée d’une quinzaine de jours, petites réparations ici et là, coup de brosse sur la carène et j’en passe. Çà va être juste mais on devrait être près surtout qu’entre temps on a envoyé tous les formulaires nécessaires dûment remplis et signés à notre agent qui nous à confirmé que si on lui envoyait bien les résultats des tests lundi il devrait nous avoir, sans problème, les autorisations mardi. Croisons les doigts!

( Vive la vie paisible de retraités peinards!)

Bonjour Raivavae (rétrospective)

A peine la passe franchie (bon alignement très peu de courant – attention si vous utilisez des cartes d’il y a quelques années elles sont décalées de plus d’un mille vers le nord) on se fait cueillir dans le lagon par un grain bien musclé accompagné de pluie torrentielle. On nous avait pourtant prévenu: les Australes c’est pas bon à cette époque ci de l’année. Les dépressions du même nom remontent régulièrement au dessus de 30°S et génèrent des vents forts et des précipitations importantes. Et bien nous y voilà!

Mais ce n’est qu’un grain et dès qu’il et passé, le relief spectaculaire de l’île avec ses pics escarpés et ces falaises abruptes apparait entre les gros nuages noirs menaçants s’accrochant aux sommets et la brume inquiétante montant des vallées. Pour un peu, on se croirait revenu à l’ère jurassique et on ne serait pas surpris d’apercevoir un dinosaure (genre T.rex) ou un gros singe (style King-kong) se faufilant entre deux arbres pour nous accueillir.

L’île est entourée par une barrière de corail affleurante du nord au sud en passant par l’ouest sur cette partie il n’ya que 2 ou 3 petits garnis d’arbres (résineux ressemblant à des filaos). Par contre, du sud est au nord en passant par l’est, le lagon est beaucoup plus important, la barrière continue avec de très grands motus. Dans le lagon l’eau est d’une clarté surprenante . A Rairua, mouillés à 200 m devant le quai dans 13 mètres d’eau on voit le fond et on arrive même à distinguer l’ancre et ce n’est pas l’endroit le plus clair du lagon. Nous sommes le seul voilier (mais où sont les copains?)aussi nous avons pris nos aises et joué la sécurité en mouillant avec 70 m de chaîne.
Nous avons hâte d’aller à terre mais la dépression orageuse générant des trombes d’eaux nous y empêche. En peu de temps nous récupérons plus de 200 litres largement de quoi faire (enfin) une méga lessive et le plein des réservoirs.

Dimanche matin, le temps se calme comme prévu et c’est aussi l’arrivée du Tuhaapae, la « goélette » (cargo) qui ravitaille les îles Australes. On le repère à l’AIS avant qu’il entre dans la passe et on l’appelle à la VHF pour vérifier qu’on est suffisamment écarté du quai pour ne pas le gêner. Pas de soucis nous répond-il vous êtes bien là. Aussitôt à quai il débarque ses passagers (Raivavae est avec Tubuai la seule île des Australes disposant d’une piste d’atterrissage, pour les autres il n’y a que la goélette et ses containers).Mais Ici nous sommes dans une île de forte tradition protestante où toutes activités autre que le culte et le repas en famille sont strictement proscrites le dimanche et même si l’approvisionnement est vital, et l’horaire chargé, le bateau de ravitaillement doit s’adapter aux coutumes. Nous aussi nous nous plierons à la règle (discipline oblige): pas de baignade. Mais que voici ? Un foil surf profite du vent encore soutenu pour faire des aller-retour à donf entre la barrière et le quai juste à l’heure du culte, mais c’est le mari de l’infirmière, il doit avoir une dérogation .

L’après midi n’y tenant plus, nous allons à terre nous dégourdir les jambes et explorer un peu les alentours. Sur le quai, l’équipage du Tuhaapae joue aux boules pour tuer le temps. Dans le village, à part les pompiers ,la mairie, l’église, (ils sont protestants mais ils parlent d’église et non temple comme on le fait en métropole), la gendarmerie, il n’y a que quelques maisons par-ci par-là mais pas de restos ni de bistro. La rue et déserte exception faite de quelques jeunes, assis sur les marches le long de la mairie et devant la poste qui profitent du wifi gratuit offert par la commune (le weekend seulement). Çà ne fait rien, l’île est belle et si nous rencontrons très peu de monde la végétation elle, est très dense. Passage de la petite traversière et tour de la peninsule sud-ouest. Quel calme même les chiens et les coqs se font oublier. Le tout donne une impression de beauté tranquille et de sérénité.

Lundi nous réservons la matinée pour les démarches administratives. Nous commençons par la gendarmerie pour déclarer notre arrivée. La brigade de Rivavae est responsable de tout l’archipel des Australes mais ils ne sont que deux : un brigadier chef passionné de voile (mais pas encore pratiquant) et sa jeune collègue (aux yeux bleus si rieurs). Les formalités accomplies ils se transforment en syndicat d’initiative et nous renseigne très gentiment sur tout ce qu’il’y a à voir et à faire sur l’île. Nous en profitons pour discuter de la situation et des rumeurs que nous avons entendues (interdiction du lagon aux voileux et malaise voire tension avec la population). Ils nous rassurent, pendant le pic de la pandémie, beaucoup de bateaux sont venus se réfugier ici, tous dans le lagon Est devant un grand motu semi-circulaire (appelé le motu piscine) abritant un magnifique bassin au fond de sable pouvant accueillir jusqu’à 20 bateaux en les protégeant de tous les vents. Leur présence prolongée (jusqu’à 3 mois) a, certes, créé l’inquiétude des riverains et il y a eu des discussions en vue d’une interdiction mais rien n’a abouti et il n’y a aucune restriction légale quelle qu’elle soit, mis à part que tous les motus sont privés et qu’on ne peut donc pas y débarquer sans la permission du propriétaire. Bon, le lagon Est n’est donc pas interdit mais avant de s’y risquer on va tout de même aller voir à pied histoire de prendre l’avis des anciens du coin. Quelques jours plus tard on profite du beau temps , pour prendre la grande traversière et passer se l’autre côté (foret extraordinaire, vue magnifique). A Vaiuru, les habitants sont occupés à préparer un grand repas. Plusieurs anciens sont là, je leur pose la question sur les voileux et le lagon. Ils sont restés trop longtemps, me disent-ils. Ils ont été là pendant trois mois, pêchant les poissons du lagon et ramassant les coquillages qui servent à faire les colliers Polynésiens. On en saura pas plus, seulement des rumeurs s’amplifiant et résultant en un ras le bol collectif. Mais du coup, ils ont demandé l’interdiction du lagon aux plaisanciers. Et pour eux c’est comme si c’était fait. En fait, la demande doit passer au conseil municipal puis au gouvernement à Papeete mais rien n’a bougé et la demande à peu de chance d’aboutir. Ceci dit nous ne voulons pas mettre de l’huile sur le feux on restera donc sagement dans notre mouillage devant le village de Rairua surtout qu’en dépit de tout çà tous les insulaires que nous rencontrons nous accueillent à bras ouverts.

Nous avons fait la connaissance de: Maurice, l’agent de la police municipale qui nous a apporté un régime de bananes , plusieurs kilos d’oranges (les plus parfumées que nous ayons goûtés jusqu’ici et qui nous a offert un quart de cochon lors de notre départ; Marguerite qui nous a expliqué comment nous connecter au wifi de la mairie et qui nous a montré la petite traversière; Zélda qui tient une épicerie a Vaiuru de l’autre côté de l’île qui n’avait plus d’oeufs mais plein de gentillesse; de la petite épicerie en face du port qui nous donne des papayes à point, des bananes (encore!) et des pamplemousse gouteux et sucrés je transforme le tout en une confiture au goût délirant, une vrais tuerie…

C’est peut-être là le problème de l’île: les épiceries (ici on dit magasin) ne vendent rien à part quelques conserves. Tout le frais est produit par les habitants pour eux même. Il est hors de question pour eux d’en vendre mais il veulent tout le temps nous en donner. A court terme c’est touchant, à moyen terme c’est embarrassant surtout que c’est difficile pour nous de trouver quelque chose à donner en échange mais sur le long terme c’est carrément intenable.
En profitant d’un temps clément toute la première partie de la semaine nous avons alterné randos sur l’île et ballade en canoë/snorkling. En passant la pointe à l’est du mouillage nous avons découvert une plage de rêve , sable blanc magnifique sur fond de forêt tropicale et montagne en arrière plan. C’est Mahanatoa, le deuxième village de l’île ou se trouvent l’école et le collège. Juste sur la plage il y a aussi une autre église. C’est là que se tient un séminaire réunissant 80 personnes, diacres et pasteurs, venus de toutes les Australes. Ils sont arrivés dimanche par le Tuhaapae et repartent par le prochain dans 10 jours (pas d’autre moyen pour rentrer chez eux). Le séminaire a lieu 2 fois par ans sous l’égide du pasteur Rono. Pour nourrir tous ces gens chaque district de l’île préparent les repas de la journée à tour de rôle.
Mardi c’était le tour de Rairua , le four Polynésien est préparé la veille , on creuse un grand trou dans lequel on fait un grand feu ou on met des pierres de lave. On tue le cochon on le découpe et on le met dans de grandes marmites avec des feuilles de tarots. on emballe des poissons dans des feuilles de bananiers ( des chirurgiens très très bon et qui n’ont pas la gratte). On recouvre le tout de feuillage et des troncs fendu de bananier, on y met les marmites et les poissons emmaillotés dans leur feuilles. La dessus une grande bache puis de la terre pour tout recouvrir. La cuisson à l’étouffé durera le reste de la journée plus la nuit . Ce n’est que le lendemain matin que l’on découvre le tout pour organiser dans les plats . « Tu n’as pas besoin de dents pour manger le cochon tellement il est tendre » nous dit un grand père de son sourire édenté. Tout le monde s’affaire et tout doit être prêt pour le séminaire à midi . Comme jus de fruit du corossol, un fruit délicieux que nous avait fait découvrir Muriel et Tetu sur Rikitea . Je demande à une jeune femme mais, vous, que mangez-vous ce midi . Du poulet et du riz ah c’est largement moins bon que les abats du cochon me répond t – elle en se léchant les babines… Au passage ils acceptent de nous vendre quelques poissons chirurgien (umé)congelés dont on se régalera.
A Mahanatoa nous arrivons à la fin du repas , des femmes endimanchées débarrassent les tables. Il y a beaucoup de restes et ils sont partagés entre eux et aux gens de passages . Gentiment ils nous nous font gouter et nous donnent un plateau tressé en feuille de coco rempli de bananes cuite, tarot, patates douces et châtaignes polynésiennes nous disant que sinon cela ira aux cochons.

Encore deux jours de mauvais temps. Même si entre deux grains de pluie nous aurions sans doute assez de temps pour une courte promenade à terre, nous n’osons pas quitter le bateau tellement le clapot est fort. Samedi le temps s’améliore et une belle accalmie nous permet de passer une matinée paradisiaque en plongée tuba sur un petit récif autour du motu . L’après midi nous allons marcher de l’autre côté de l’île et c’est un pêcheur de bénitier avec qui nous faisons connaissance , il nous vend une petite partie de sa pêche en nous expliquant comment cuire ce coquillage. Sa femme nous prépare deux noix de coco et nous donne une pousse de gingembre.

Dimanche, après le mauvais temps d’ouest de la fin de semaine, le vent d’est-sud-est assez soutenu s’établi. Il devrait souffler pour quelque jours (malheureusement accompagné de fort grains et de pluies) avant de s’effondrer en fin de semaine et repasser au nord-ouest. C’est une opportunité à saisir pour une traversée peut-être pas très confortable ( 3 m de creux annoncés) mais rapide vers Tahiti. On aurait bien aimer rester encore un peu mais le mouillage risque d’être très instable sous les grains et s’il pleut beaucoup, nous n’avons pas envie d’être cloîtrés sur le bateau toute la semaine. La décision comme toujours est vite prise et lundi matin 14 juin 2021 à 11 heures, après un court passage à terre pour dire au revoir à Maurice et aux gendarmes, nous quittons Raivavae sous un ciel couvert et 25 noeuds de vent.

Gambier rétrospective, une destination de plus en plus fréquentée.

On en est partis depuis un moment déjà mais on vous avait promis un dernier article sur les Gambier. C’est un archipel tellement prenant et les gens y sont tellement sympathiques que nous avons eu du mal à en partir. Rien que dans le mouillage de Rikitéa nous étions en permanence entre 15 et 25 bateaux , nous nous connaissions tous et il était rare de passer une journée sans avoir été papoter sur au moins à bord de 4 ou 5 bateaux . A terre aussi nous avons été reçus comme des rois et gâtés de tonnes de papayes, de bananes, d’avocats (mais depuis quelques semaines la saison est malheureusement finie) et de citrons que les habitants de l’île nous offraient généreusement. Nous nous sommes fait des amis Mangaréviens avec qui nous resterons en contact. Nous avons aussi fait un peu de voile dans le lagon pour profiter des mouillages paradisiaques mais le temps très changeant en cette saison et notre tirant d’eau ne nous ont pas permis de les explorer tous. En bref un vrai coin de Paradis même si en cette période de l’année le temps varie beaucoup au passage des front froids(en moyenne un par semaine).

Je vous laisse en découvrir nos dernières photos et j’enchaîne sur quelques réflexions à propos de la fréquentation de l’archipel par les plaisanciers.

Nous sommes avec Rolff et Daniella sur leur bateau « Yello », Rolff nous montre ses perles de culture , une vrais merveille . Il perse lui-même les perles pour en faire des bijoux .

Murielle et Tetu nous ont ramener des algues , c’est le caviar Polynésien

dernière ballade sur l’île avant de partir pour les Australes

Quand on relit les blogs des voiliers qui ont visité ces îles il y a une dizaine d’années, ils parlaient de 3 ou 4 bateaux au mouillage de Rikitea, et je ne vous parle pas des intrépides venu là au siècle dernier (1990) qui eux était le plus souvent carrement seuls. Depuis quelques années, çà a énormément changé et j’ai peur que nous devenions un peu trop nombreux pour la quiétude de ces îles manifiques. Je crains aussi que cette popularité leur fasse perdre leur authenticité sans parler de la pollution organique engendrée par tant de plaisancier vivant sur un plan d’eau relativement fermé. Tous les jours de nouveaux bateaux arrivent de Panama ou des Galapagos (beaucoup sans autorisation préalable en dépit des restrictions COVID) voir même du Chili et viennent grossir la flotte au mouillage de Rikitea. Heureusement peu restent longtemps, nous sommes presque en hiver et le climat plus tempéré des Gambier devient trop frais pour beaucoup. Après quelques jours ou quelques semaines ils repartent pour Hao et de là pour les Marquises pour y passer l’hiver et pour beaucoup la saison des cyclones (novembre à mai de l’année prochaine). Mais ensuite où irons-t-ils? Quelque soit leur pays d’origine les bateaux peuvent rester deux ans avant d’avoir à payer la taxe d’importation. La Polynésie est un paradis nautique et aussi une destination relativement facile à atteindre depuis la côte ouest de l’Amérique (Panama pour les Européens, Mexique pour les nord-américains) mais la suite du voyage est plus compliquée donc pour beaucoup celà devient une destination quasi-finale. Le problème existe depuis plusieurs années et la pandémie à empiré le phénomène: les bateaux s’agglutinent en Polynésie particulièrement sur Tahiti et les îles sous le vent mais aussi aux Marquises sans pouvoir/vouloir en repartir . Si les pays du Pacifique n’ouvrent pas leurs frontières et que la Polynésie ne s’organise pas mieux cette surpopulation de « voileux » va devenir un problème douloureux c’est certain. Ce n’est pas encore le cas au Gambier dont la population reste dans son ensemble très ouverte aux voiliers mais jusqu’à quand et que peuvent faire les « voileux » pour continuer à être les bienvenus?

Route Australes

Comme vous avez pu le lire dans l’article précédent nous avons quitté Mangareva dimanche 30 juin en fin de journée. Raivavae notre destination pour cette courte traversée (700+ milles) fait partie, avec sa voisine Tubai et la plus lointaine Rapa, de l’archipel des Australes, poussières sur la carte du Pacifique, ainsi nommé en raison de sa position dans le sud de le Polynésie. De ce fait, leur climat est influencé par le passage des dépressions du même nom qui en hiver ( juin – septembre) franchissent parfois les 30°sud et génèrent un temps plus perturbé et parfois un peu plus frais…
La première nuit et la première journée se sont déroulées au près dans un vent assez faible (6 noeuds) d’ouest puis sud-ouest et une mer confuse peu propice au performances: sur 24 heures depuis le départ nous avons parcouru moins de 100 milles. Mais, comme prévu sur les routages, lundi en fin de journée le vent vire progressivement au sud puis sud-est en se renforçant toute la nuit 10, 14, 19, 25. Rêve à Deux, tout content s’ébroue et accélère, vent de travers c’est son allure favorite.
On terminera quand même mardi matin sous 2 ris et trinquette. Puis dans l’après-midi le grand beau temps s’établi et on peut renvoyer de la toile. On est maintenant au largue, puis avant la nuit, plein vent arrière dans 12 noeuds de vent foc tangonné: des conditions de rêve pour une nuit étoilée comme nous en avons rarement vu.
Mercredi même topo si ce n’est que l’alizé se renforce une peu et met un peu de sud puis de nord dans son est nous obligeant successivement à dé-tangonner, re-tangonner puis finalement empanner pour rester sur la route. Le pilote est exclusivement utilisé en mode vent pour suivre les variations et éviter les empannages intempestifs: donc attention permanente pendant les quarts pour rester sur la route et ajuster les réglages de voilure.
Jeudi matin l’alizé nous abandonne et dans cette mer toujours confuse les voiles battent. Il est 7 heures du matin et il nous reste encore plus de 220 milles à parcourir, nos espoirs d’arriver vendredi soir avant le passage du front orageux s’effritent à vue d’oeil. Mais les gribs indiquent clairement que ce n’est qu’une petite bulle et que nous devrions retrouver rapidement un vent plus soutenu et, en effet, après quelques heures passées à essayer de maintenir une vitesse minimum, le vent de nord est 10 12 nds revient à 142° de la route. Parfait pour le petit spi asymétrique qui est aussitôt envoyé. La vitesse augmente à 7 – 8 noeuds et nos espoirs reviennent: on peut encore le faire et la perspective de rentrer de nuit ou pire, en plein orage (27 nds et des precipitations de plus de 10mm/h annoncée pour la matinée de samedi) nous donne de ailes. Toujours sur spi, Les 10-12nds se transforme en 15-17 à la tombée de la nuit mais on garde le spi pour engranger des milles jusqu’au moment ou il refuse franchement en forcissant encore d’un cran. Nous sommes à 130° du vent par cette force c’est un peu trop serré. Il est 2 heures du matin on fait des pointes à 12 nds dans les surfs: il est temps d’affaler le spi. La manoeuvre se passe comme sur des roulettes (il suffit de bien descendre à 170° du vent le temps de « chaussetter »)et, le foc envoyé, nous reprenons notre route.
Entre temps le vent continue de refuser et on se retrouve à 110° toujours à la même vitesse (8 nds). Peu avant midi l’horizon se couvre et de gros nuages noirs chargés de pluie passent à proximité. On se prépare pour le vent qui normalement devrait accompagner ces grains mais ici tout est différent: le vent tombe presque complètement en tournant vers la droite. Le temps qu’on s’interroge sur la meilleure option: remettre le spi ou passer cette molle au moteur, le vent revient et ne nous lâchera plus jusqu’à l’arrivée. A l’heure de déjeuner les nuages nous laissent entrevoir les sommets de l’île, déjà bien haut sur l’horizon et à 16:15h nous franchissons la passe.
Malgré la lenteur du premier jour et les conditions très variées (nous avons navigué a toute les allures et utilisé pratiquement toute les combinaisons de voilure possible) nous aurons mis 5 jours pour avaler les 738 milles du parcours. Vous l’aurez deviné: on adore tous les deux faire de la voile et cette traversée nous a comblés.
On est ravi d’être arrivé à temps d’autant plus qu’à peine franchie la passe un gros grain accompagné d’une pluie torrentielle vient cacher la beauté du paysage magnifique de cette île et rendre tout son sens au verbe mouiller qu’on a pu appliquer ici autant à l’ancre qu’à l’équipage…
Mise en place des tauds et du récupérateur d’eau de pluie (avec ce qui est annoncé pour les prochaines 24 heures il devrait y avoir largement de quoi remplir les reservoirs et faire la lessive), texto aux amis de Rikitea pour les rassurer de notre arrivée, gratin de citrouille avec un verre de vin pour arroser l’arrivée et nous sommes au lit. A suivre…

Adieux les Gambier

Après quelques jours de pluies diluviennes et de vent d’ouest assez forts, les routages nous livrent enfin le créneau météo tant attendu: on peut partir vers l’ouest!
Aprés des adieux à tous nos amis, le coeur un peu gros, mais comme toujours impatients de découvrir de nouveaux horizons, nous avons levé l’ancre à 16:00 (heure locale) hier pour sortir du lagon, pleins à ras bord de fruits délicieux (merci Tetu et Murielle) accompagné des aurevoirs et des coups de corne de brume (merci à Denis et Véronique) des « voileux » au mouillage. C’est pas le départ du Vendée globe mais on a pas l’habitude d’un tel traitement. Ceci dit le nombre de bateaux au mouillage de Rikitea ne va pas diminuer pour autant. Il en reste pas moins de 25. Rien que se weekend 4 nouveaux sont arrivés dont Basyc, le superbe et gigantesque plan Finot Qonq de 22,50m (75′) d’Yves et de Françoise!
Notre destination est Rivavae aux Australes que nous espérons atteindre d’ici une semaine. Ce n’est pas vraiment la saison (ici on est en hiver) et la plupart des skippers à qui nous avons parlé pensent plutôt se diriger vers les Hao ou un autre Tuamotu pour ensuite passer la saison froide (25°C= froid pour un voileux bien tropicalisé) aux Marquises ou il fait rarement moins de 28°: décidément il faut toujours qu’on se singularise.
Pour l’instant nous sommes au près serré dans 7 à 10 noeuds de sud ouest mais çà devrait adonner en se renforçant dans les prochaines heures. Vous pouvez suivre notre progression sur la page « où sommes nous? »

PS après notre long silence radio Il y aura encore sans doute quelques articles sur cet archipel magique: nous y avons passé presque trois mois riches en découvertes et en rencontre et il y a encore beaucoup de choses à raconter et de photos à montrer. Mais il faudra attendre que l’on aie une liaison internet décente mais aux Australes c’est pas sûr qu’on soit mieux lotis qu’au Gambiers