Nous approchons du but, encore une grosse centaine de milles est nous serons à Sorong. Arrivée demain donc? Pas sûr du tout! Ici les prédictions de vent sont pour le moins fantaisistes et comme nous sommes pile-poil sur l’équateur, le régime pot au noir est de rigueur: alternance de calme et de grains. En plus, le relief de la côte très escarpé crée des perturbations complexes dans le flux des masses d’air. Hier soir nous avons identifié un sommet à près de 3000 m et ce matin nous longeons une côte qui n’est pas sans rappeler celle du Nord de la Galice. Comme si les caprices d’Eole ne suffisaient pas, depuis une semaine, nous n’avons plus la resource de s’aider du moteur pour traverser les calmes, il a une fuite de liquide de refroidissement (vase d’expansion fêlé – lui aussi, je vous le disais bien qu’il n’y avait pas que moi) on préfère donc éviter de s’en servir. Aucune clarté non plus sur ce que va devenir le courant equatorial du Pacific Sud qui nous a bien aidé depuis le détroit de Vitiaz (jusqu’à 1,5 noeuds de bonus): se partage-t-il entre la mer des Molluques et celle de Ceram? S’inverse-t-il? Mystère! les Pilots charts ne sont pas très claires sur ce point. Nous avons assisté hier soir à sa rencontre avec le courant de marée sortant de la baie de Cenderawasin: une veritable rivière à 60 milles en pleine mer, changement brutal de vitesse et de direction du courant et une grande quantité de branches, de tronc d’arbre et autres détritus sur la zone de transition. Pas facile donc de faire des prévisions d’arrivée dans ces conditions.
Alors on fait de la voile intense, on est pas tout à fait en mode Figaro mais pas loin. Ce n’est pas tant qu’on cherche la performance à tout prix mais les changements de direction et de force du vent sont tels que pour ne pas rester sur place ou pire, revenir en arrière, il ne faut pas hésiter à manoeuvrer, empanner au bon moment pour profiter du grain, prendre un ris quand la raffale s’annonce plus forte, virer à la refusante, renvoyer de la toile dès que çà molli et même hisser le spi si aucune menace ne plane à l’horizon. D’habitude je note scrupuleusement toute manoeuvre ou changement de cap sur le livre de bord mais pour la journée d’hier je me suis contenté d’écrire: nombreux virements de bord et empannages. Inutiles de vous dire qu’on ne dort pas beaucoup, mais quand on y va c’est du béton!
Incertitude aussi au niveau de la clearance.
En passant le détroit de Vitiaz nous avions reçu un mail d’Ayu notre agent à Sorong nous disant que l’immigration lui avait dit que nous pourrions pas entrer chez eux par ce port malgré nos visas déjà acceptés. Il fallait obligatoirement aller à Nunukan (côte Nord Est de Bornéo, juste à la frontière avec la Malaisie), l’un des deux seul point d’entrée en Indonésie pour les étrangers arrivant par mer, l’autre étant sur une petite île juste en face de Singapour…1200 milles de plus, aucun détail sur mes cartes mais apparement un estuaire de rivière avec des courants épouvantables. S’en suit un échange de mail dans lequel nous évoquons le fait qu’on aurait pas assez de vivres, fuel et eau pour aller jusqu’à là bas et que de toute façon on a pas les cartes nécessaires, et que, donc, par mesure de sécurité il faudrait bien qu’ils nous acceptent. La réponse est revenue quelques jours plus tard: Vous êtes les bienvenus à Sorong. Merci Ayu! On pourra aller directement à la marina quand on arrive ce weekend, les officiels passerons nous voir Lundi et on devra faire une quarantaine de 5 jours à bord avant de pouvoir descendre. On verra bien à quelle sauce on va être mangé, on vous tiens au courant.
Avec ces quelques dizaines de milles qui nous reste avant l’arrivée à Sorong, s’achèvera notre périple dans la Pacifique Sud. Nous l’aurons parcouru de long en large (comme en témoigne notre trace sur la carte ci-dessous) amassé tant de souvenir merveilleux de paysages extraordinaires et de rencontres inoubliables. Quel sera notre prochain océan? L’Indien? Le Pacifique Nord? L’avenir le dira. Pour l’instant on va déjà entrer en Indonésie et profiter de Rajah Ampat pour quelques semaines…
