Derniers préparatifs à Puerto Williams :
Trois choses sont essentielles pour survivre à un périple de deux à trois mois dans cette région :
1 – Savoir à tout moment précisément où l’on est.
2- Pouvoir se faire une idée aussi précise que possible de l’évolution de la météo sur le parcours.
3 – Avoir suffisamment de nourriture à bord.
Savoir à tout moment précisément où l’on est est l’un des aspects les plus critiques de la navigation dans le dédale des canaux de Patagonie. Il nous faut absolument des cartes à jour. On télécharge à grand peine (le wifi du Micalvi est d’une lenteur désespérante) les dernières mise à jour des cartes Cmap et Navionics chez Maxsea (merci à Laetitia pour sa patience). La dernière étant plus détaillée dans beaucoup d’endroit. On dispose aussi d’une copie des cartes papier officielles. Le problème est que même dans leur mise à jour la plus récente, hors des chenaux principaux ou passent les cargos et autres paquebots, elles ne sont pas précises, contour de côte approximatifs et positions décalées de plusieurs centaines de mètres. Il n’est pas rare que le carte nous place sur la terre ferme alors qu’on navigue bien au milieu du canal. Donc prudence ! Ne pas se fier aux cartes les yeux fermés. Heureusement il existe d’autres moyens pour s’y retrouver. Il y a bien sûr la navigation à l’ancienne en reconnaissant visuellement le contour de la côte et en prenant des relèvement au compas. Le radar est aussi une aide très précieuse bien sûr en cas de mauvaise visibilité mais aussi par temps clair simplement pour vérifier si la distance par rapport à la côte que donne le GPS sur la carte est bien exacte (et le cas échéant corriger). Et enfin (un grand merci à Damien), il y a les images satellites géo-référencées que nous pouvons utiliser avec Oziexplorer pour suivre notre route mais surtout vérifier les mouillages (on voit même le kelp) avant d’y rentrer. A noter que les images provenant de Bing sont d’une définition bien supérieure à celles de Google Map. Il faut tout de même être prudent avec les images satellite car elles donnent qu’une vue aérienne de la zone sans indication de profondeur et certains passages sont parfois cachés sous les nuages… Note de l’éditeur: sur la plupart de canaux ou nous sommes passé, à part la partie sud du Beagle (la dispute territoriale avec l’Argentine y est peut-être pour quelque chose) la cartographie Maxsea (Cmap et Navionics, mise à jour novembre 2018, basée sur la dernière mouture des cartes officielles de l’armada) c’est en fait révélée exacte et précise, de nombreuses bouées munies de transpondeurs AIS ont été installée récemment dans plusieurs passages critiques du canal Smith au canal Messier et ne permettent plus de doute. Bien sûr, beaucoup des caletas on nous mouillons restent trop petites ou trop à l’écart des routes principales pour être couvertes en détail.
La météo est aussi un facteur déterminant pour faire une navigation en toute sécurité, choisir son mouillage et savoir quand repartir et quand rester. Nous utilisons l’Iridium pour charger les gribs (des fichiers de prévision météo générés par ordinateur pour le monde entier par la NOAA), ces prévisions sont plutôt fiables et assez précises mais il faut les télécharger au moins 2 fois par jour car ici le temps change très vite. Nous utilisons des fichiers GFS avec une maille de 0,25 prévisions de 3 heures à 96 heures pour la zone ou nous sommes (vent, rafales, pression, température et couverture nuageuse – saildoc ne fournis pas les précipitation) et de temps en temps un fichier beaucoup plus gros couvrant une bonne partie du Pacifique sud est sur une maille de 1 mille par 12 ou 24 heures sur 10 jours (vent, pression, température, vagues) pour avoir une idée de l’évolution de l’anticyclone et de la formation des fronts. Pour des passages comme le golfe de Penas on prend en plus les fichiers WW3 complet pour se faire une bonne idée de l’état de la mer. Nous recevons aussi les bulletins météo NAVTEX émis par la marine Chilienne donnent une vue d’ensemble mais ne sont pas précis. Le casse tête se sont les courants qui dans de nombreux chenaux sont assez voire très forts et dépendent bien sûr de la marées. Leur force et direction sont données sur les cartes marines en fonction de la marée mais ces dernières sont très influencées par la direction et du vent, et en général nous avons tout faux l’heure de la renverse devenant imprévisible et parfois ne se renversant pas du tout (le Golfe du Morbihan c’est quand même plus simple).
Le choix des mouillages et des passages à emprunter en fonction du vent est un autre casse tête et les guides nautiques ainsi que le blogs de navigateurs qui nous ont précédés sont des aides très précieuse et deviennent rapidement les bibles du bord. Nous avons à bord Patagonia & Tierra de Fuego des Italiens M. Rolfo et G.Ardrizzi le plus utile et le plus détaillé, le pilote RCC Chile de A. O’Grady qui donne quelques info complémentaires, les instructions nautiques US (inutiles hors du détroit de Magellan) et les blogs de Kousk Eol, Fleur de Sel, Ernest, Chougash ainsi que les commentaires précieux de Robert et Armelle.
Dans toute la région, le vent dominant souffle de l’ouest au nord-nord-ouest. Quant on remonte les canaux vers le nord le vent est donc pratiquement toujours de face. Nous passons donc le plus clair de notre temps de navigation à tirer des bords. Vent contraire donc mais en plus changeant de direction et de force à tout moment. Il faut être prêt à choquer la grand-voile où même à l’affaler si le vent monte brutalement. Les Williwaws sont des vents violents et tourbillonnants qui descendent brutalement des montagnes bordant les canaux en faisant écumer la mer. Ils peuvent atteindre 60 nœuds ou plus. Heureusement ils ne durent en général que quelques minutes ( mini tornade en quelque sorte). Dans les passages sujets aux williwaws, nous optons pour la sécurité et naviguons en général avec 2 ris et trinquette même par vent modéré. Nous avons le temps et ne sommes pas en retard sur notre parcours.
La nourriture.Savoir faire du pain à bord et un plus mais avec un cake aux fruits confits c’est encore mieux !
Nous pensons mettre entre deux et trois mois pour remonter jusqu’à Puerto Montt. Pendant tout ce temps là il faudra manger au moins trois fois par jours et il ne faut pas trop compter sur l’épicerie du coin : la première, Puerto Eden, est à mi-parcours mais n’a pas grand chose à offrir. Il nous faut donc embarquer assez de nourriture pour tenir jusqu’au bout. Nous avons déjà à bord pas mal de conserves, graines et produits sous vide acheté en France avant le départ on glanés lors de nos escales au Brésil, en Uruguay et au Falkland. Mais nous ne savons pas très précisément ce qu’il reste. On commence donc par faire un inventaire complet sur un tableau excel sur lequel on classe les produits par type d’aliment (protéines, féculents, légumes, céréales etc) en indiquant les quantités disponibles. En divisant par les portion individuelles nécessaire on obtient le nombre de repas possibles et on identifie rapidement les quantités manquantes par type d’aliments pour arriver aux nombre de repas équilibrés nécessaire. (et Domi qui croyait qu’étant en retraite il n’entendrait plus parler d’Excel et de tableaux croisés.) Il ne nous reste plus qu’à faire les courses pour compléter. La bonne nouvelle c’est qu’entre les 4 épiceries (le terme supermarché serait sans doute exagéré) et le sympathique marchand de légume dans son couloir délabré nous trouverons tout ce dont nous avons besoin ici à Puerto Williams. Nul besoin donc d’aller à Ushuaïa faire les courses comme la plupart des bateau le font : c’est toujours çà de gagné (Ushuaia est en Argentine il faut donc faire toutes les formalités d’entrée et de sortie des deux côté et de toute façon revenir à Puerto Williams refaire tous les papiers pour continuer, les canaux étant territoire chilien)