Lundi 4 janvier 2021, pas besoin de se lever de bonne heure on ne va pas loin. Juste de lʼautre côté de la pointe il y a Ship Cove, un autre mouillage superbe. C’est là que Cook avait ancré lors de son passage dans le coin. Sur la plage il y a d’ailleurs un monument qui explique toute l’histoire. C’est aussi là que se trouve le débarcadère qui permet aux randonneurs de rejoindre le début de la Queen Charlotte track, ce chemin où nous avions pu marcher lʼavant veille. Aujourd’hui encore nous avons de la chance : Ship Cove est un mouillage très populaire mais qui ne dispose que de deux bouées et l’une d’entre elle se libère juste au moment où nous arrivons. Nous sommes bien abrités du vent mais assez loin de la plage aussi nous profitons dans lʼaprès-midi pour faire du kayak en prélude à la ballade à pied.




Surprise : au pied du monument, nous tombons sur Hélèna, Wendy, John et Johnatan que nous avions quitté la veille à Schoolhouse Bay. Ils sont venus jusqu’ici par le sentier et ils s’apprêtent à repartir. Nous les accompagnons jusquʼau sommet du col. Et comme là, par miracle, on capte un peu de réseau 4G (à cause du relief, la couverture est très mauvaise dans les Sounds et on en était privé depuis quelques jours) télécharger nos mails avant de rentrer.






Depuis déjà plusieurs jours nous bénéficions d’un temps superbe avec un vent de secteur nord modéré. C’est une période stable anormalement longue pour ici, ou le vent change souvent de direction plusieurs fois dans la même journée : c’est bon signe pour ce début 2021. Il ne faut donc pas être surpris que dès demain il va commencer à tourner vers l’ouest en se renforçant… Il nous faut donc revenir gentiment vers l’extrémité sud ouest du Sound pour nous abriter le temps de laisser passer ce petit coup de vent. En effet , plus on va vers le fond du Sound moins le vent est fort car on est plus à l’intérieur des terres et le relief des rives est moins abrupt. Mais bien sûr tout le monde le sait et nous n’allons pas être les seuls à faire mouvement dans cette direction et les corps morts les plus abrités risquent d’être très demandés.
Après une pause déjeuner à Cockle Cove nous mouillons pour la nuit à à Kaipakirikiri. Nous arrivons juste à temps pour cueillir une bonne cuisine de moules délicieuses pour le diner sur les rochers tout proches. Mercredi 6, le coup de vent annoncé se précise et nous ne sommes pas encore suffisamment protégés ici, nous poussons donc jusqu’à notre petit mouillage favori de Flipper Bay, idéal dans ces conditions. Mais il y avait déjà deux bateaux à couple dont un gros 50 pieds et on nous fait comprendre qu’avec Rêve à Deux en plus on risquerait de dépasser la limite des 35 tonnes autorisées sur la bouée. Pas de problème nous renvoyons les voiles et reprenons notre quête d’un coffre ou d’un ancrage abrité. Nous n’avons pas loin à aller : Double Cove ouest qui n’était pas libre quand nous sommes passés devant tout à l’heure vient de se libérer. Nous sommes ravis, cʼest le premier corps mort que nous avons utilisé ici et nous savons quʼil est très bien protégé. Cette fois-ci le bach (résidence secondaire) qui surplombe le mouillage est habité par son propriétaire avec toute sa famille, enfants et petits enfants. Ils viennent nous voir en canot pour nous souhaiter la bien venue . La bouée leur appartient mais comme ils ne lʼutilisent pas il lʼon prêtée au club qui lʼentretient en compensation. On sʼamuse de voir les petits enfants qui sont à lʼeau accrochés à l’arrière du canot et qui essaie d’empêcher leur Grand-père, qui rame aussi fort qu’il le peut pour essayer de rejoindre l’appontement, d’avancer pour le faire enrager. Tout le monde rit de bon cœur.


Nouvelle surprise, le lendemain en fin de journée, Richard et Barbara (les amis avec qui nous avions sympatisé les derniers jours de 2020 à Baker’s Bay) arrivent dans la baie, ils sont avec leur copain Edouard. On ne peut pas les prendre à couple (ce corps mort étant limité à un seul bateau) mais ce n’est pas un problème, ils ont des amis qui ont un mouillage inoccupé dans le fond de la crique. Çà nous fait grand plaisir de les retrouver et le soir ils viennent à bord avec une bonne bouteille pour une autre soirée mémorable.


Richard construit une annexe genre prame en contreplaqué munie d’une voile à livarde style Optimist et le lendemain matin il vient à bord avec Edouard et les plans du petit bateau pour nous demander conseil pour son gréement. On discute de la possibilité de dénicher une voile d’Optimist d’occasion au club, mais les dimensions ne correspondent pas, il faut une voile plus grande. Par contre jʼavais gardé quelques morceaux de notre ancienne grand voile (on ne sait jamais cela peut servir). On en sort un morceau qui une fois mesuré semble largement assez grand. Il n’y aura qu’à découper la forme exacte et ajouter des sangles où des œillets au quatre points et sur le guindant. Ce sera sans doute la seul prame avec une voile en membrane carbone kevlar : s’il va à Auckland c’est la sensation assurée parmi les bateaux de la coupe lʼAmérica… Il repart donc avec le bout de tissus en nous promettant de nous envoyer les photos. Ils prévoient de rentrer à la marina de Waikawa après le weekend pour faire des travaux sur le bateau et avancer la construction de la prame. On se reverra sans doute à Picton où nous devons refaire le plein de vivre la semaine prochaine.


Bon, c’est pas le tout, on a passé trois nuits ici, c’est la limite réglementaire. Il faut changer de mouillage , la fille du propriétaire à sa fenêtre nous dit au revoir. A peine le temps d’établir les voiles et nous sommes à Kumutoto, une alcôve dans la montagne ou se mêlent arbres immenses et fougères arborescentes. Les deux corps morts sont pris, nous nous mettons à couple dʼun vieux bateau à voile. Un monsieur agé, seul à bord, nous accueille très gentiment. Comme tous les Kiwis, cʼest un pêcheur invétéré et à peine sommes nous amarrés qu’il reprend sa canne et continue à sortir des poissons autour du bateau. Ce sont des Spotties (une sorte de rouget bleu vert avec une grosse tâche sur le corps d’où son nom) entre 15 et 20 cm de long. Il nous en offre une demi douzaine que nous faisons frire à la poêle pour le dîner. Il est surpris de nous voir manger ses poissons entiers : en Nouvelle Zélande tous les pêcheurs prélèvent les filets de leur poissons avant de les manger, ils ont horreur d’avoir des arrêtes dans leur assiette. Notre méthode barbare le fait beaucoup rire. Nous prenons un verre ensemble pour le remercier de sa gentillesse.




Entre temps le temps splendide avec peu de vent, à part un peu de brise thermique dans l’après-midi, est revenu pour encore quelques jours. On continue donc notre exploration du Sound en commençant par un détour dans le Torry Channel. Nous passons 2 nuits au fond d’Opua bay qui avec ses pentes abruptes, planté de conifères se donne un peu des allures d’Alaska d’abord au mouillage de Tawa Bay où nous rencontrons James et son équipage qui rentrent sur Wellington puis de Missionary Bay nous nous observerons des grand bancs de krill rouge, de tout petits crustacés ressemblant à des galathées d’environ 1 à 2 cm.





De là nous revenons vers la rive nord du Queen Charlotte à Ruakaka, ou nous serons seuls pour une fois. Un tour de la baie en kayak nous permet d’observer de jeunes cormorans (royal shags) sur leur falaise et un bébé sterne et sa mère.




Après 2 nuits paisibles nous levons le camp pour tirer quelques bords vers l’extérieur du Sound dans des conditions toujours exceptionnelles. Nous contournons Blumine Island par le nord pour arriver à Pickersgill Island où nous venons nous amarrer à couple de Am Meer le Bavaria 38 de Geoff et Katie, des régatiers et navigateurs solitaires chevronnés de Wellington. Le soir apéro sympathique à leur bord avec leurs amis des deux bateaux amarrés au corps mort voisins. (côté beau temps et apéros 2021 commence vraiment bien !).






Ils rentrent sur Wellington dès le lendemain matin car pour eux, comme pour la grande majorité des Kiwis, les vacances d’été se terminent.

Nous restons à Pickersgill encore une nuit, seuls cette fois-ci dans cette endroit de rêve et nous serons récompensés par un coucher de soleil inoubliable. Mais pour nous aussi tout à une fin, particulièrement les vivres : nos dernières courses datent du 23 décembre. Nous sommes passés aux conserves depuis déjà quelques jours et nous avons entamé la dernière bouteille de vin. Il va falloir rentrer à Picton surtout qu’une grosse tempête se profile pour la fin du week-end. Mais ce matin, Samedi 16 janvier, c’est dans des conditions encore idylliques : ciel limpide, 23°C, vent portant 8 à 10 nœuds, que nous glissons entre les îles vers le port…