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Turquie: Fakdere, Yeşilköy et Kalkan

Nous quittons la baie de Kekova avec un vent faible mais suffisant pour avancer. En début d’après midi nous ancrons dans la baie de Facdere, bien dissimulée derrière deux îlots rocheux au fond d’une grande baie aux rives abruptes. Seulement quelques maisons, un sentier de randonnée, le cadre est idyllique mais c’est le cas de toute la côte on commence à s’habituer.

Le lendemain 13 Novembre 2022, nous reprenons notre progression paresseuse vers l’ouest. Nous passons entre le continent et Kastellórizo / Megisti. C’est une île Grecque située à seulement 1,5 milles (3km) de la côte Turque continentale et 70 milles de Rhodes dont elle dépend. On comprend facilement pourquoi les relations entre les deux pays sont si tendues et on fait bien attention de ne pas dépasser la limite des eaux territoriales: on ne veut pas d’ennui avec les gardes côtes ne l’un ni de l’autre pays!

Les quatre premières photos c’est le coté Grec, son village et ses églises et juste en face la Turquie avec ses résidences balnéaires et ses mosqués quel contraste!

Côté continent la côte devient de plus en plus impressionnante du fait de la hauteur des montagnes plongeant directement dans la mer, coupées par endroit de canyons vertigineux.

Nous ancrons dans la grande baie d’Yeşilköy (on a pas encore pu déterminer comment doit se prononcer le S cédille) après une après midi relax et une bonne nuit (encore une) nous traversons la baie pour nous rendre au village de Kalkan, petite station balnéaire nichée à flanc de côteau. Nous ancrons devant la plage juste à côté de l’entrée du port. Les environs sont un peu défigurés par des lotissements de vacances sans cachet mais la vieille ville est jolie avec ses petites maisons au murs blanchis à la chaux et sa vieille mosquée. Plus haut il y a un super marché Carrefour mais il est petit et pas très bien achalandé en produits d’alimentation par contre il dispose d’un rayon alcools avec un très bon choix de vins Turcs: si si çà existe! Ils ne sont pas mauvais du tout et à des prix raisonnables.

Un petite houle venant du large rentre dans la baie rendant le mouillage devant le port un peu rouleur. Nous repartons à Yeşilköy pour la nuit.

Départ aux aurores pour la baie suivante à une trentaine de milles. Nous serons toujours sur la côte de l’antique Lycie mais dans la Turquie d’aujourd’hui nous allons passer de la province d’Antalya à celle de Muğla.

Turquie: baie de Kekova

Kekova est la partie la plus sauvage et la plus isolée de la côte Lycienne. L’île de Kekova proprement dite protège un grand plan d’eau abritant de nombreuses criques et le grand lagon de Üçagiz. Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est Kaleköy et sa forteresse perchée tout en haut du piton qui domine la ville. Pour y arriver depuis Gökkaya ou nous venons de passer 2 jours très agréables, on se faufile entre des îles ravissantes et devant quelques baies tentantes,

La forteresse est en vue. Nous avançons jusqu’au pied du village. Il y a les pontons des restos mais il est encore un peu tôt pour songer à déjeuner. Sur la droite il y a un espace où on peu mouiller entre les maisons au bord de l’eau et quelques rochers. Il n’y a pas beaucoup de place mais nous sommes seuls avec un petit bateau de pêche. La vue, sur le site d’un côté et la baie et l’île de Kekova de l’autre, est magnifique.

La matinée n’est pas encore trop avancée, nous avons le temps de monter jusqu’au château par les ruelles étroites (peut-être sentiers serait plus approprié vu la largeur et l’escarpement). De là haut, la vue sur la baie est époustouflante. L’architecture et le style laissent supposer que les fortifications datent de l’époque byzantine (3éme à 12ème siècle de notre ère). Dans l’enceinte et sur les collines avoisinantes, on voit de nombreuse tombes lyciennes (de 2000 av.JC à 300 ap.JC) certaines sont des sortes de sarcophages de pierre au toit arrondi d’autres sont creusées dans la roche des falaises. Nous sommes le 10 novembre, le drapeau en haut du château est en berne pour commémorer la mémoire de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la république Turque mort le même jour en 1938.

Le midi un repas simple sur une terrasse de café et le soir, petit resto juste en face du bateau.

Jeudi nous traversons la baie pour mouiller (à la patagonne avec des aussières à terre) dans l’anse de Tersane sur l’île de Kekova. C’est une toute petite indentation dans la rive nord de l’extrémité ouest de l’île. Le pourtour de l’anse et ses environs sont couverts de ruines y compris sous l’eau. Certaines paraissent très anciennes d’autres sont typiquement byzantines (comme les restes de l’arche d’une église sur la plage). Nous n’avons pas trouvé de renseignements intéressants sur ce site et son origine mais son nom laisse suggérer que son activité principale était la construction de navires .

Pour laisser de la place aux bateaux touristes qui viennent ancrer tout au fond de l’anse, nous avons mouillé juste à l’entrée du côté sud mais notre ancre n’est pas assez loin pour maintenir suffisamment loin des rochers si la brise de terre qui se lève la nuit souffle un peu plus fort que d’habitude (ici les prévisions météo ne sont jamais très fiable – le modèle français Arpège semble être le plus souvent juste avec en deuxième position ICON EU. ECWMF et GFS sont quand à eux en général carrément fantaisiste pour ce qui est des prévisions côtières.) Pour être complètement rassuré on devrait donc remouiller.

Mais après le repas de midi, on décide que, tant qu’à relever l’ancre et libérer les aussières autant en profiter pour explorer un autre mouillage de cette magnifique baie de Kekova. Nous jetons notre dévolu sur Kisle Bogazy, juste en face, et nous y passons une super fin d’après midi et une nuit très paisible…

Note sur les fond marins de la Méditérranée orientale:

Ces baies sont réputées pour la qualité et la transparence de leurs eaux. L’eau y est effectivement parfaitement limpide et la blancheur du sable leur donne cette couleur bleue turquoise si attirante. Par contre, au niveau faune et flore, comme nous l’avions déjà constaté à Chypre, à part quelques bancs de tout petits poissons, quelques sars égarés et par endroit sur les fonds, des herbiers de posidonie, c’est un peu le désert! Pas de gros poissons, pas d’algues ni même d’oursins sur les rochers et bien sûr pratiquement pas d’oiseau de mer en surface. Après ces dernières années passées dans des eaux tropicales grouillants de vie c’est carrément déprimant. Est-ce que finalement, cette clarté inimitable ne serait pas un signe que cette mer se meurt? Seul signe d’espoir: nous avons tout de même aperçu quelques tortues…

Turquie: de Finike à Kekova

La traversée de Latchi (Chypre) à Finike (Turquie) s’est faite en grande partie dans du tout petit temps avec un vent tout juste suffisant pour nous déhaler à quelques nœuds sans avoir à trop mettre le moteur et surtout deux très gros orages avec éclairs dans tous les sens, pluie diluvienne et surtout violentes rafales montant jusqu’à 35 nds en quelques minutes. Heureusement on les voyait bien arriver ce qui nous a permis de réduire la toile à temps. A noter que les gribs n’indiquait des rafales jusqu’à 20 nds mais pas de tendance orageuse marquée (CAPE < 300 J/kg). Le dernier orage nous laisse peu après le levé du jour en vue de la côte Turque et c’est vers 15:00 Lundi 7/11/2022, sous un ciel encore bien chargé de nuages que nous nous amarrons au quai de la Marina de Finike .

Les formatés sont rapidement expédiées. L’agent que nous avions choisi avant de partir nous attendait sur le quai et avait tout préparé grâce aux papiers que nous lui avions transmis par e mail. Nous n’avons eu besoin que d’une très courte séance de photos à la police avant de pouvoir circuler librement dans le pays. Le prix de l’agent 130 euros tout compris ! quant même…

La marina est très grande et assez luxueuse mais à 74 euros la nuit, elle n’est pas donnée (c’est pourtant l’une des moins cher de toute la côte) alors, comme le dédouanement c’est bien passé on va essayer de repartir dès demain matin. On passe aussitôt au distributeur prendre des livres Turques , on achète une carte SIM à la boutique d’à côté, on fait quelques courses et on lave le bateau. Après une bonne nuit de repos et une bonne douche on refait le plein de gaz oil ( à 1,43 euros le litre au lieu de 2,30 à Chypre, sur 200 litres, çà valait le coup d’attendre) et c’est reparti: à nous la côte Turque .

Cette partie de la côte sud-ouest de la Turquie est bordée d’îles et d’îlots et découpée de baies bien protégées formant un vrai labyrinthe: un paradis pour faire du rase cailloux en toute décontraction surtout quand le temps s’y prête comme aujourd’hui: vent faible, mer plate, ciel bleu limpide et la mer transparente . La moindre crique est parait-il constellée de ruines le plus souvent antiques.

Dans l’antiquité, cette région s’appelait la Lycie. La civilisation Lycienne remonte à 3000 av.JC, ces origines sont assez peu connues des historiens. Il y aurait eu des échanges avec la civilisation Grecque au cours du dernier millénaire av.JC (Rhodes n’est pas loin) ils aurait aussi été envahis par les Perses. Au 3éme siècle apr.JC ils font partie de l’empire Byzantin et sont christianisés puis surviennent les invasions Arabes puis Ottomane.

Sans perdre de temps et mettons le cap sur Kekova et plus précisément la baie de Gökkaya, une petite crique coincée entre plusieurs îlots (Asrili et Kisneli et la terre, une sorte de minuscule port naturel parfaitement protégé, loin de toute route ou habitation: l’endroit idéal pour décompresser un jour ou deux et s’acclimater à l’atmosphère « vacances » que dégage cette côte.

l’endroit est truffé de ruines et de grottes nous avons plaisir à suivre les chemins des chèvres et à explorer les îlots en kayak (ici la grotte de Korsan Magarasi)

L’endroit est plutôt calme mais nous ne sommes pas tout seul non plus. Sur les deux jours on nous sommes restés là nous avons compté jusqu’à 8 bateaux à l’ancre: 4 ou 5 voiliers et 4 bateaux d’excursion 2 étant mouillés là apparemment à demeure, les autres ne faisant que passer pour même pas une heure. Nous sommes déjà hors saison, on imagine facilement la difficulté pour trouver une place dans ce petit paradis en plein mois d’aout …

Pour les voileux: nous n’avions vraiment préparé notre escapade en Turquie. C’est seulement une fois à Chypre que nous nous sommes dit: tient et si on faisait un petit détour par la Turquie avant que l’hiver ne s’installe (En Novembre le temps est généralement beau et les vent faibles ou modérés contrairement à Mars ou ils sont souvent très forts sur cette côte). « Du coup » on avait aucun guide de la région. En furetant sur internet nous en avons trouvé un qui répertorie les meilleures mouillages avec photos, cartes et quelques renseignement c’est le site Coast Guide TR (en anglais). J’ai sauvegardé tous les endroits où nous étions susceptible de passer en pdf afin de pouvoir les visionner même hors connexion.

Chypre/Pafos et ses ruines

Une fois sortis des embouteillages maritimes de l’entrée/sortie du Canal, Port Saïd contrôle nous appelle en VHF pour connaître notre destination et conclus l’échange par «Rêve à Deux – c’est bon, vous êtes sortis de la zone d’ancrage, vous pouvez augmenter votre vitesse » « Bien compris port control, pas de souci envoyez moi un peu plus de vent … » Et ce sera la caractéristique de cette traversée : on passera 2 jours à chasser la moindre risée. On aura pratiquement toujours le souffle d’air suffisant pour avancer mais jamais plus de 7 nœuds de vent et bien sûr toujours dans l’axe nous obligeant à tirer de bords : résultat la traversée la plus lente de Rêve à Deux : 74 heures pour faire les 206 milles qui séparent Port Saïd de Pafos notre destination (pour Rêve à Deux 206 milles c’est juste une bonne journée dans l’alizé !) Pas rapide donc mais pas fatiguant non plus et c’est tant mieux car la remontée express depuis la Tanzanie nous a un peu mise sur les rotules. Comme d’habitude nous servons de gite d’étape aux oiseaux de passages. Cette fois c’est une sorte de tout petit passereau mangeur de mouches que nos experts ornithologues identifieront peut-être , nous en hébergerons jusqu’à 4 et ils nous ont bien rendu service en nous débarrassant des mouches Égyptiennes qui avaient décider de faire la traversée avec nous.

Dimanche 30 11:00 nous arrivons enfin à Pafos. Le port est tout petit mais coquet. Le responsable, que nous avions prévenu de notre arrivée (le dimanche en principe il ne travaille pas), nous attend sur le ponton pour prendre nos haussières. Il n’y a pas de pendille il faut mouiller l’ancre entre les autres. Les formalités se passent rapidement : bureau du port, police maritime, officier de santé : à midi nous sommes libres de descendre sur cette petite partie d’Europe. La douane viendra nous faire l’entrée du bateau lundi (comme nous sommes Européens sur un bateau Européen et que nous n’envisageons pas de rester plusieurs mois à Chypre tout est plus simple). Le port ne dispose d’aucun service : électricité sur le ponton mais pas d’eau, toilettes publiques sur le quai mais pas de douche, mais les tarifs sont attractifs (Taxe initiale de 10 EUR pour le bateau et de 13 EUR/personne à l’inscription, puis environ 10 EUR par jour)

Et là on a brusquement l’impression d’être des vacanciers ordinaires. La ville regorge de touristes ; retraités profitant de l’arrière saison, Chypriotes en week-end, familles françaises, allemandes, anglaise où Russes profitant des vacances de la Toussaint (ou de l’équivalent dans leur pays). Les terrasses des cafés et des restos son bondées. Un coup d’œil aux menus nous enlève bien vite l’idée d’aller célébrer notre retour en Europe dans l’un de ces établissements : le moindre plat de poisson ou de fruits de mer est à 25 ou 30 Euros, ajoutez une entrée ou un dessert, de la boisson l’addition dépasserait rapidement les 100 EUR à deux…Même chose pour le gasoil le lendemain : il n’y a pas de pompe à proximité il faut faire venir un camion est c’est 2,30 EUR/litre : il nous en reste assez pour atteindre la Turquie, on verra là-bas. Nous avions un peu perdu de vue la dure réalité des choses et le retour de l’inflation en Europe.

Dans la soirée le trimaran Akron Aoton (ORMA 60 ex Groupama) vient se mettre au ponton à côté de nous. Apparemment il participerais à un relais pour le climat de Glasgow (ville de la COP 26) à Sharm el Sheikh (site de la COP 27) regroupant à chaque étape coureur à pied, cycliste et marins. Mais l’attitude de l’équipage (soft drinks dan verre en plastique) avec paille et le concept du passage du Canal de Suez au moteur dans un bateaux en fibre de carbone n’est pas très écolo…

Mais le principal attrait de Pafos (parfois aussi écrit Paphos) ce sont les ruines de l’ancienne ville fortifiée préservée dans un immense parc.

Le site de Patrimoine Mondial de l’UNESCO dont Pafos fait partie décrit le site ainsi: « Habité depuis les temps néolithiques, le site de Pafos fut un lieu de culte des divinités préhelléniques de la fertilité, puis d’Aphrodite elle-même, née selon la légende à Pafos. Le temple de la déesse, de construction mycénienne, remonte au XIIe siècle av. J.-C. Les vestiges de villas, palais, théâtres, forteresses et tombeaux confèrent au site un intérêt architectural et historique exceptionnel. Les mosaïques de Nea Pafos sont parmi les plus belles du monde ». Pour plus d’info voir cette page.

Dans la pratique, les ruines visibles les plus anciennes dates de 300 ans avant JC. (période hellénique), les plus spectaculaires de l’époque Romaine de 30 av JC jusqu’à 330 ap JC, avec notamment de superbes mosaïques parfaitement préservées.

Nous passons une bonne partie de la journée de lundi à arpenter le parc de long en large avant de rentrer au bateau vannés. Il faut dire qu’à part deux balades dans les ruines de Suakin, depuis la Tanzanie on a pas marché : on perd vite l’habitude.

Le mardi est employé à faire les courses. Le supermarché Papantoniou à deux pas du port est très bien achalandé.

Nous profitons aussi de l’escale pour essayer de planifier la suite du voyage. L’idée est de naviguer encore quelques semaines puis rentrer en France pour les fêtes et reprendre la navigation début Mars. Mais ou laisser Rêve à Deux ? On préférerait le stocker à sec (le gros avantage du Copper Coat) mais tous les chantiers et marinas que nous interrogeons sont soit complets (Rhodes) soit carrément hors de prix (Turquie).

Reste l’hivernage au ponton. Rhodes a de la place à flot serait possible et un peu moins cher que les ports Turcs (en plus on préférerait savoir le bateau en Europe par les temps qui courent on ne sait jamais) et Rethymno en Crète propose des tarifs très intéressants.

En attendant on va aller mouiller dans les jolies petites criques de la pointe Nord Ouest de l’île en profitant d’une eau cristalline encore à 27°C.

Notre court séjour Chypriote se termine à la Marina de Latchi petite station balnéaire tranquille (tarifs similaire à Pafos – malheureusement pas de place pour laisser le bateau plusieurs mois). On va en trottinette à travers les vergers d’oliviers et d’orangers pour faire quelques courses et découvrir la jolie petite ville de Polis. Il fait nuit quand nous rentrons au bateau par la piste cyclable.

Dimanche matin nous partons pour Finike histoire d’explorer la côte Turque pour quelques semaines en cette belle fin de saison avant de décider finalement de notre port d’hivernage…

Le canal de Suez (2)

Le canal de Suez deuxième partie: Ismaelia – la grande bleue

Les conditions météo sont très bonnes sur l’Est de la Méditérannée jusqu’à la semaine prochaine. C’est très important car on ne peut pas s’arrêter à Port Saïd et par mauvais temps la sortie du canal peut être assez inconfortable. Nous aurions donc pu repartir dès le lendemain de notre arrivée à Ismaïlia mais nous avons tout de même demandé un jour d’escale afin de pouvoir enfin changer notre foc tranquillement (voir cet article).

Nous profitons du calme plat du tout début de matinée pour faire l’opération avant le petit déjeuner. Je déroule de foc et miracle il descend presque tout seul. On voit quand même que les vis qui retiennent deux des éclisses qui relient les tronçons de profilé de l’enrouleur entre elles sont dévissées et ressortent un peu. C’est elles qui bloquaient la descente de la voile ou du moins celles de la rotule/émerillon. Domi monte (ou plutôt je le monte) armé de la clé allen adéquate et de son flacon de loctite (frein de filet) car il ne faut pas que çà se reproduise, d’ailleurs pour laisser à la loctite le temps de prendre on ne hissera la voile de rechange qu’en fin de journée.

Entre temps un cata Bali 42 arrive de Port Said,s son skipper Erik, nous invite à diner. Avec Natalia et Masha ses équipiers, ils convoient le bateau depuis la Turquie jusqu’à la Marina El Gouna sur la côte de la mer Rouge pour son propriétaire Egyptien. Dans la soirée nous sommes donc à leur bord quand Mohamed Mohsen responsable du développement de la plaisance à la direction du Canal arrive avec une collègue. Ils viennent recueillir nos commentaires et nos remarques pour continuer à améliorer le service. Ce qu’ils sont parvenu à mettre en place est déjà remarquable : plus un seul bakchich n’est toléré de la part des pilotes ni de personne d’autre travaillant pour le canal. La plus grande amélioration pour le future serait de pouvoir débarquer dans chaque port sans plus de contrainte que les voyageurs arrivant par avion et sans avoir à payer à chaque fois un nouveau visa. Ils peuvent pousser dans ce sens mais la décision ne dépend pas d’eux. Mohamed est officier de marine et il a participé pendant une année à un échange avec la marine Française on passe donc un bon moment à parler de Brest et de Toulon et de son voyage sur la Jeanne. Mohamed et sa collègue repartis (après nous avoir remis à chacun un beau cadeau souvenir de notre passage) nous continuons la soirée avec nos hôtes en dégustant un excellent curry préparé pas Masha en échangeant nos expériences et souvenirs. Nous apprendront d’Erik tout un tas de choses intéressantes sur la côte Turque où nous n’avions initialement pas prévu d’aller tout de suite mais qui sera très probablement notre prochaine étape, juste après Chypre.

Jeudi 27 octobre 2022, 07:55. Notre pilote se présente sur le quai. On arrive tant bien que mal à faire les présentations mais manifestement, Ala (c’est son nom), n’a pas rêvé d’être à notre bord aujourd’hui et nous le fait clairement sentir. Sur tout le trajet la conversation se limitera à quelques mots. Son attitude avec Anne est à la limite de l’impolitesse. Il passera la plus grande partie du trajet pendu à son téléphone discutant âprement en de très longs échanges.

Mais le canal est calme, nous ne croisons qu’une douzaine de bateaux venant en sens inverse jusqu’à ce que le premier navire du convoi allant vers le nord nous rattrape vers 12:30.

Nous arrivons à la hauteur de Port Said mais sur le bras Est du Canal vers 16:00. Le pilote nous quitte non sans nous avoir demandé son « cadeau » que vu son amabilité il n’a bien sûr pas eu. Il embarque sur la pilotine en boudant.

Les petits pêcheurs naviguent entre ces gigantesques monstres d’acier

Le pont El Salam (pont de la paix) a été mis en service en 2001 puis fermé à la circulation en 2013, les autorités craignant que des terroristes ne s’en servent pour jeter des bombes sur les navires de passage. Depuis cet ouvrage majestueux reliant l’Asie à l’Afrique ne sert plus à rien..

A 16:50 plus de digues ni de berges d’un côté ni de l’autre : çà y est nous sommes en Méditerranée! Bien sûr, le trafic qui n’était pas très dense jusqu’à maintenant augmente très nettement et , bien que nous soyons en mer, le chenal se rétrécit, ajouter à çà que la nuit tombe : ce n’est pas tout de suite que l’un de nous pourra aller dormir.

Prochaine étape Chypre mais çà c’est une autre histoire.

Le canal de Suez (1)

Première partie : de Suez à Ismaïlia

Mercredi 25/10/2022 05:45 Abullah notre pilote est là, nous sommes prêt à partir. Pour ceux qui ne le saurait pas, il faut préciser que dans tout le Canal de Suez pour tous les navires quel qu’ils soient, du plus petit voilier au super tanker de 300 000 tonnes il est obligatoire d’avoir un pilote à bord, que le skipper ou le capitaine franchisse le canal pour la première ou la centième fois.

Nous partons par temps calme juste derrière le premier porte container. Ce sera le premier du très long convoi. Un navire nous dépasse environ toutes les 10’. Ils avancent à 9 nœuds ce qui fait qu’il n’ont qu’un mille et demi pour s’arrêter si celui qui les précède s’échoue (comme cela c’est produit il y a quelques mois) sur plus de la moitié de sa longueur le canal est trop étroit pour que les bateaux puissent se doubler. Les plus impressionnants sont sans conteste les porte containers géants de la fameuse classe MEGAMAX ou MGX 24, des monstres de 400 m de long et plus de 60 mètres de large. Ils peuvent empiler les containers sur 24 rangées en longueur et autant en largeur pour un total de 23 à 25 000 VPE/TEU (20 pieds équivalent, l’unité utilisée dans l’industrie pour caractériser ces navires) mais même s’il n’emporte quasiment que des 40 pieds, çà fait tout de même plus de 12 000 boites sur un seul bateau…

Nous pensions ne voir qu’un ou deux de ces géants des mer mais en fait ils sont maintenant la majorité. Les super tanker même s’ils ont beaucoup plus lourds, sont bien moins impressionnants car ils sont beaucoup plus bas sur l’eau. La croissance de la taille de ces navires devrait ralentir car ils sont désormais au gabarit maximum du canal.

Toute la matinée et le début de l’après-midi se passe de façon plutôt agréable. Abdullah a insisté pour barrer tout le temps. Après une période d’observation on l’a laissé faire, il s’en tire très bien et avec bonne humeur.

Vers 14:00 le temps se dégrade et un gros orage nous arrive dessus. Derrière nous çà tonne en continu et les éclairs zèbrent le ciel en tous sens. La pluie arrive à son tour, diluvienne. Abdullah insiste pour garder la barre. On lui prête un ciré, mais il pleut si fort qu’il est rapidement trempé jusqu’aux os. L’averse se termine par de la grêle. Rendez vous compte, nous sommes en Egypte, il y a à peine une heure il faisait plus de 30 degrés et là, maintenant, de la glace tombe du ciel. L’averse s’arrête en fin. ça aura eu le mérite de bien rincer le sable et la poussière accumulés sur le pont et le gréement depuis que nous sommes en Mer Rouge. Domi prête des vêtements à Abdullah pour qu’il puisse se changer et éviter d’attraper du mal.

C’est alors que, soudain, le moteur cale ! La commande d’embrayage est bloquée, pas moyen de redémarrer : on doit avoir pris quelque chose dans l’hélice. On mouille l’ancre qui croche aussitôt, on est dans une zone profonde de 6 m entre le chenal et la berge, on ne court aucun danger tant que le vent ne tourne pas. Notre pilote est très inquiet et prévient le centre de contrôle de l’incident. Ils l’informent que le dernier navire du convois vient de nous passer on est donc tranquille aussi de ce côté là. Domi met ses palmes et son masque et plonge (au grand dam du pilote qui considère que c’est trop dangereux de se mettre à l’eau). Diagnostic confirmé: il y a un morceau d’aussière d’au moins 80 mm de diamètre enroulé autour de l’hélice. Il arrive sans trop de difficultés à le démêler et à le ramener à bord : c’est tout de même utile un bon entraînement d’apnée. 15’ après avoir jeté l’ancre nous redémarrons.

Les 5 milles qui nous reste jusqu’à Isamaelia nous prennent un bon moment car le vent de face qui souffle à 25 nœuds maintenant, nous ralentit fortement (un voilier ce n’est vraiment pas fait pour naviguer au moteur) mais bon, nous arrivons tout de même au Yacht Club bien avant la nuit. Notre pilote nous quitte non sans avoir remis ses vêtements presque secs et rendus ceux de Domi.

Nous sommes le seul voilier à quai, le responsable de la marina nous accueille et les autorités viennent rapidement contrôler nos passeports et notre clearance. Nous terminons la journée par une pizza commandée au cafè du Club.

Fin de la première partie

Mer Rouge 2: de Suakin à Suez

Après quatre jours d’escale bien remplis, nous avons prévu de repartir de Suakin le 14 octobre au matin. Mais nous avions oublié que nous étions vendredi, jour de prière en terre Islamique. Vers 09:00 heure à la quelle Mohamed devait nous apporter notre clearance, il nous téléphone pour nous dire qu’il n’y a personne au bureau de la douane et qu’il n’est pas sûr que l’on puisse partir aujourd’hui. Mais il va essayer de faire le maximum et vers 11:00 ses gars viennent finalement nous apporter le fameux document, on peut partir. Bravo et Merci Mohamed.

Le temps est beau avec une brise légère de secteur Nord. Pour en profiter et réussir à garder une bonne vitesse à la voile nous décidons de passer entre les récifs et le continent. Le chenal est suffisamment large, bien cartographié et sert d’abri à de nombreux cargos à l’ancre. Le paysage jusqu’à Port Soudan, comme nous avions pu nous en rendre compte en y allant en taxi l’autre jour, est morne et plat, la brume poussiéreuse du désert ne permet pas d’apercevoir les montagnes en arrière plan. La nuit tombe peu après avoir passé l’entrée de Port Soudan. Nous continuons à tirer nos bords dans cette étroite bande d’eau parfaitement calme. Au petit matin nous découvrons un paysage totalement différent. Toujours aussi aride et désertique (sinon plus : les rares arbustes visibles hier ont tous disparu) mais avec un relief tourmenté de dunes et de collines où les couleurs passent du gris au rouge en passant par le jaune pâle.

En milieu d’après-midi nous jetons l’ancre au milieu de Marsa Inkelfal, une petite baie bien protégé entourée de dunes de sable avec au fond une petite mangrove et une tente de pêcheur et leur 2 barques. Baignade et snorkeling sur le recif. Dimanche matin nous repartons dès le levé du jour. Nous profitons de la légère brise de Nord Ouest pour franchir à la voile sans tirer de bord la passe de Mesharifah et le chanal balisé qui permettent de passer directement de la baie d’Hawaia au large en rasant la côte sud de Ras Abu Shagrab, une matinée de rase cailloux comme on les aime ! Mais il est temps de prendre une grande décision : profiter encore un jour ou deux de cette superbe côte Soudanaise et visiter une ou deux marsas ou profiter du beau temps pour continuer tout de suite vers Suez. Après avoir consulté les gribs des modèles GFS et ICON pour le vent et RTOFS et Copernicus pour les courants, effectué des routages sur plusieurs jours et des itinéraires différents le choix est assez facile : si on attend on aura des calmes au début et du vent trop fort sur la fin si on continue sans s’arrêter au aura un vent moyen sur la plus grande partie du parcours.

Les bords s’enchaînent en fonction de la rotation du vent. Une première nuit puis on tire un long bord NNE vers la côte Saoudienne pour profiter d’un vent plus favorable et éviter le courant plus fort le long de la côte Égyptienne. Au matin plus de vent du tout, la mer est lisse comme un miroir, nous sommes au moteur. Tout une famille de dauphin vient jouer avec notre étrave on en compte jusqu’à 14. L’eau est d’une transparence étonnante. Ils restent avec nous un bon quart d’heure avant de poursuivre leur route. Ces rencontres sont toujours des moments privilégiés.

Peu avant le coucher du soleil, nous sommes dans 12 à 14 nœuds de vent, on prend un ris car le vent devrait monter un peu dans la nuit. Domi jette un coup d’œil aux voiles par le capot avant. Il revient tout de suite en disant : on enroule, on enroule ! Le foc c’est à nouveau déchiré cette fois juste en dessous de la réparation effectuée à La Réunion. Trinquette et grand voile haute, on manque certes de puissance pour passer dans cette mer très courte mais Rêve à Deux ne se comporte pas trop mal dans les 15 nœuds de vent que nous avons cette nuit, on verra demain si ça se calme un peu pour changer de foc. Le lendemain après-midi le vent descend à 11 nœuds. On se prépare pour la manœuvre. Domi est à l’avant, je déroule et il libère la drisse mais la voile ne descend que de 2 mètres. Je le rejoins au mât, on r-hisse et on réessaie, toujours bloqué, on fait plusieurs nouvelles tentatives, mais maintenant pas moyen de hisser non plus. Domi commence sérieusement à s’énerver. D’en bas on ne voit rien de particulier sur le profil, il faudrait monter pour voir ce qui se passe et réparer mais dans cette mer courte çà bouge de trop surtout qu’il faut s’écarter du mât pour bricoler sur l’étais. Il faudra attendre l’arrivée pour le faire en toute sécurité. En attendant, on arrive tout de même à enrouler la voile en repliant la partie déjà affalée sur elle même. Le résultat n’est pas très joli à voir mais le haut de la voile et bien serré et on saucissonne le reste avec les 2 drisses de spi pour que le vent ne puisse pas prendre dedans (logiquement on ne devrait pas avoir besoin de hisser le spi avant l’arrivée). Nous continuons donc avec pour seule voile d’avant notre vieille trinquette de 25m2 et bien sûr c’est là que le vent choisit de mollir encore. Dans plus de 12 nœuds on arrive à maintenir une vitesse raisonnable en dessous de 10 on escalade plus le clapot court et la vitesse peut descendre à moins de 2 nds. Dans ces cas là on met le moteur et on remonte un peut plus sous grand voile seule. Notre indicateur clé pour choisir l’angle avec le vent est la VMC (« velocity made course » ou vitesse en gain réel sur la route similaire à la VMG), les résultats sont parfois surprenant en raison de cette mer qui freine énormément le bateau si on la prend de face. Ainsi moteur à 1500 tours sur la route directe face au vent nous ne progressons qu’à 1 nds alors qu’en abattant de 35°nous gagnons 3 à 4 nœuds avec le moteur seulement à 1200 tours (soit une VMC de 4 nds).

Nous avions choisi l’option de remonter côté Arabie, à cause du courant qui devait être favorable mais en fait il devenait de plus en plus fort contre nous, on se recentre donc plus vers le milieu de cette mer si particulière et au bout de quelques temps nous retrouvons un courant favorable : les deux modèles de courant bien que montrant des résultats différents étaient archi faux tous les deux.

Le courant prevu par le model Européen copernicus à gauche et par le modèle Américain RTOFS à droite

Les modèles de vent ont eux aussi leurs aberrations, pendant toute une journée nous aurons du NE alors que les modèles annonçaient tous les deux du NO, la force était cependant correcte. Finalement, comme nous nous approchons du golfe d’Aqqaba, la mer commence à s’aplatir un peu nous permettant de retrouver des performances plus normales malgré notre manque de toile

Le 21/10/2022 peu après le coucher du soleil, soit 5 1/2 jours après avoir quitté Marsa Inkelfal nous apercevons les lumières du Cap Muhammad : nous entrons dans le golfe de Suez en ayant recouru au moteur pour une quarantaine d’heures seulement – avec un foc nous aurions pu nous contenter d’une dizaine d’heure voire moins. Mais nous ne sommes pas encore arrivés il reste 175 milles à faire contre le vent. Pour cette partie, notre foc ne nous a pas fait défaut. Le vent est rarement descendu en dessous de 14 nds et la trinquette était bien adaptée au fréquents virement de bord. Nous longeons la côte du Sinaï en tirant de petit bords car chaque fois que l’on s’en éloigne, la mer devient beaucoup plus agitée nous ralentissant énormément même si le vent forcit aussi. De jour cette côte est un spectacle magnifique. Les montagnes sont là toute proches, par endroit, elles tombent directement dans la mer, en arrière plan on distingue une autre chaîne encore plus haute. Ses montagnes très escarpées sont entrecoupées de vallées et de gorges (wadi) étroites et profondes. En dehors des villages bâtis sur la côte elle semble totalement inhabitée et parfaitement impénétrables. Pas une trace de végétation, un paysage minéral à l’état pur. Les couleurs vont du presque blanc jusqu’au noir en passant par toutes les nuances d’ocre. Un vrai régal pour les yeux sans parler des millénaires d’histoire que ces montagnes évoquent.

On reste loin du couloir de navigation des cargos donc de ce côté là pas de soucis. Par contre le long de la côte il y a énormément de plateformes pétrolières, en certains endroits très proches les une des autres, elles sont heureusement clairement indiquées sur les cartes et de toute façon éclairée la nuit comme de vrai sapins de noël. Il y a aussi beaucoup de pêcheur qui chalute à très faible vitesse sans AIS. De jour ils ne posent pas de problème par contre la nuit, leur éclairage de pont masquant complètement leur feux de routes leurs mouvements sont très difficiles à identifier. Inutile de vous dire qu’entre tous ces obstacles et les très nombreux virement de bord effectués, on a pas dormi beaucoup dans cette remontée du golf de Suez. Mais nos efforts portent leurs fruits, nous ne sommes plus qu’à une trentaine de milles de Suez et nous n’avons pas touché au moteur depuis la Mer Rouge. La nuit tombe sur Ras Matarma et le vent au lieu de se calmer comme prévu se renforce à 22 nœuds levant à nouveau ce foutu clapot et c’est au même moment que le courant contraire se renforce. En plus le clapot devient très creux et Rêve à Deux tape beaucoup. Notre progression sur le fond tombe à moins de 2 nœuds. La tentation est forte de s’arrêter pour la nuit à Ras el Sudr, distante de quelques milles et qui semble bien abrité. Mais après consultation de la météo (pour ce qu’elle vaut dans le coin) nous en venons à la conclusion que ce n’est pas une bonne idée car çà nous ferait arriver demain après midi à Suez avec 25 nœuds de vent. Patience, on continue donc en se consacrant à fond à la marche du bateau, peaufinant les réglages pour avoir la meilleure VMC/VMG et à peine passé la pointe, le vent faiblit d’un cran et le courant s’efface, on progresse à nouveau normalement. Vers 02:00 nous approchons de la Zone Victor, là où sont mouillés les plus grands navires en attente. Appel VHF sur canal 14 pour annoncer notre arrivée à Suez Port Control. Ils nous demande de nous diriger vers Whisky 1 à 13 milles de notre position. Nous glissons sur une mer devenue parfaitement calme entre les dizaines d’immenses portes containers et autres super tankers endormis. Tous sont à l’ancre, rien ne bouge sur le plan d’eau et leur éclairage de pont nous permet d’y voir comme en plein jour : l’heure idéale pour arriver, heureusement qu’on ne s’est pas arrêtés. Comme nous arrivons sur la Zone whisky, Port control nous rappelle pour nous demander de poursuivre et d’ancrer à Charlie 2 juste devant les digues de Port Suez. On doit les rappeler à partir de 08:00 pour aller au Yacht Club (arrêt obligatoire pour les formalités). Çà nous fait à peine 3 heures à dormir, on s’effondre dans la couchette non sans avoir coupé la VHF qui résonne depuis quelques instants d’appels demandant aux premiers navires du convoi de ce matin de commencer à se préparer.

Quand le réveil sonne à 07:30, ils sont tous déjà partis. Vers 8:30 Port Control nous appelle pour nous confirmer que nous pouvons y aller. On lève l’ancre aussitôt, le Yacht Club est juste à 15’ à l’entrée du Canal. Captain Heebi, notre agent (Prince of the Red Sea) est là nous attendant sur le ponton. On se met à couple d’Akela le bateau Jalil un français arrivant des Seychelles via Socotra et souffrant d’un redoutable mal de dents. Les formalités sont rapidement et efficacement expédiées, merci Captain Heebi. On en profite pour nettoyer un peu le bateau. Bien que nous n’ayons pas passé beaucoup de temps dans les marsas, il est couvert de poussière du désert et de sel. On transvase aussi le contenu de quelques jerrycans dans le réservoir.

Bilan carburant depuis notre départ de Tanga : nous avons consommé 220 litres de gasoil, 140, dans le golfe d’Aden et la partie sud de la mer Rouge et 80 dans la partie nord et le golfe de Suez soit un total de 140 heures de moteur (dont 30 parce que nous ne pouvions utiliser notre foc) sur un temps de traversée total de 29 jours en mer. Cette remontée de la mer rouge m’a paru une éternité mais nous sommes heureux de l’avoir fait c’était un chalange réussi.

Demain notre pilote arrive à bord à 06:00, Il est temps d’aller dormir.

Suakin sur les ruine d’une gloire passée!

Les ruines de Suakin sont impressionnantes et les quelques murs encore debout laissent entrevoir ce qu’a pu être la splendeur passée de cette mystérieuse cité. Mais il est très difficile de trouver des détails sur son histoire. La vieille ville de Suakin a été construite sur un île reliée à la terre par une digue on fond d’une marsa bien protégée. Ses origines remonteraient à l’antiquité mais elle aurait été développée par les négociants Arabes aux dixième siècle pour devenir une plateforme commerciale dès le 15ème siècle attirant des marchands Indiens et Vénitiens. Ville Ottomane depuis 1517 elle a connu son apogée au 19ème siècle en partie grâce à la traite des esclaves. Après la chute de l’empire Ottoman, en 1922, les Anglais qui dirigeait à l’époque l’Egypte (cette partie du Soudan faisait alors partie de l’Egypte) décidèrent de construire un grand port à Port Soudan et toutes les activités qui faisaient l’opulence de la ville y furent transférées. “Du coup” Suakin a été désertée et les quelques habitants qui y sont restés sont évidemment trop pauvres pour entretenir quoique ce soit.

Construite principalement en pierre de corail ses bâtiments ont très mal résisté aux intempéries et s’effondrent les uns après les autres. Les habitants nous disent que les ruines seraient maintenant hantées. Plusieurs tentatives de rénovation sont entreprises mais la tâche est énorme et l’attention du gouvernement est ailleurs (guerre au Darfour, Sud Soudan, troubles internes etc). Seul le fond Turc TIKA a réussi à restaurer le fort et quelques une des mosquées mais la Turquie est suspectée d’avoir d’autres buts que la seule sauvegarde du patrimoine de l’ancien empire…

On vous laisse découvrir en images cet endroit si particulier et ses habitants si attachants.

Bienvenue au Soudan

Premiers pas à Suakin

Bienvenue au Soudan

Nous ne voyons rien des formalités, Mohamed s’en charge de A à Z et c’est nickel. A 16:00 il est de retour avec nos passeports, nos « cruising permits », les 200 litres d’eau purifiées, notre carte SIM et les livres Soudanaise que nous lui avions commandés. Il repart avec nos jerrycans de gas oil vides, notre lessive et la bouteille de gas à remplir. Quelle efficacité !

Une fois l’eau transvasée dans nos réservoirs, Heinz qui est arrivé cet après midi après une descente difficile depuis l’Egypte en solo sans moteur et sans électricité vient prendre un verre à bord. Du coup il est trop tard pour descendre à terre on verra çà demain.

Mardi 11/10/2022. Mohamed propose de nous conduire jusqu’au marché. Et ce que nous découvrons en route nous choque un peu. Les ruines ne se limitent pas à l’île et la vieille ville Ottomane mais c’est toute l’agglomération qui semble se déliter. Entre les vieilles bâtisses effondrées subsiste encore des boutiques et des habitations de fortune. Nous sommes visiblement dans un pays très pauvre et rien ne peux pousser autour d’eux. Même les bâtiments récents en béton semblent en mauvais état, les pompes de la station service sont rouillées et partout cette poussière si caractéristique du désert de gravier et des déchets plastiques partout. De très nombreuses chèvres et quelques chameaux errent un peu partout. Par contre, les Soudanais sont très accueillants et aimables, toujours avec le sourire, ils sont même ravis de se faire prendre en photo, ils viennent spontanément nous saluer et essayer d’échanger quelques mots. Le marché n’a pas grand-chose à offrir : quelques étals avec un peu de viande (chèvre), de tomates, oranges, bananes, pastèques, aubergines, ocras, oignons et patates.

Mais, même s’il n’y a pas grand-chose, pour faire le marché il faut des Livres Soudanaises. Il n’y a pas de banque en ville ni bien sûr de distributeur ATM, Mohamed peut nous changer des dollars mais on en a juste assez pour passer le Canal de Suez. La seule solution est d’aller à Port Soudan, à la banque de Khartoum qui est le correspondant local de Western Union, le seul moyen qui permette aux étrangers de retirer de l’argent au Soudan. Visa ou Master Card ne sont acceptées nulle part dans le pays.

Rendez vous est donc pris mercredi Matin 08:00 avec un taxi (arrangé par Mohamed) et que nous partagerons avec Heinz qui a le même problème que nous. On aurait pu prendre un mini bus local plus typique et moins cher mais on ne veut pas perdre de temps à chercher la bonne banque et comme çà on profitera pour faire les courses.

Raid sur Port Soudan

Une longue route parfaitement rectiligne en assez bon état traverse la plaine côtière désertique et poussiéreuse. Quelques arbustes, des taudis construits de bric et de broc avec par-ci par là une zone industrielle moderne et des batteries de canons tournés vers la mer (le pays est dirigé par les militaires et a des différents avec la plupart de ses voisins) .

La banque est un spectacle étonnant. Imaginez l’immense salle d’embarquement d’un aéroport ou d’une gare avec ses rangées de sièges alignés. Il y a une douzaine de guichets et la salle est bondée. Les gens vont et viennent avec des sac poubelles à la main. Dans ces sacs d’énormes liasses de billet (100 livre soudanaise = 0,20 Euros) qu’ils viennent de retirer ou vont déposer au guichet. Bien sûr pour chaque transactions il faut remplir une pile de papier. Mais visiblement tout le monde n’est pas ici pour des transactions, comme la salle est climatisée beaucoup semblent être venus uniquement pour se reposer au frais.

Pour Western Union, on ne peut pas se transférer de l’argent soi-même avec une carte Française si on est pas en France… Il a donc fallu demander à notre ami Michel à Ferrière de nous dépanner. L’argent était là dans la minute mais il a quand même fallu patienter une demi heure et remplir 3 formulaires pour l’obtenir enfin. Ce sera encore plus long pour Heinz.

On en profite pour utiliser le Taxi et passer dans un petit super marché assez bien achalandé compléter nos provisions de base (riz, thon, confiture etc) puis au marché où on n’a pas trouvé une variété de fruits aux légumes beaucoup plus grande qu’à Suakin mais beaucoup plus de vendeurs et une qualité bien meilleure. Entre temps le taxi a récupéré Heinz à la banque et il est temps de repartir.

Encore un grand merci à Michel pour son aide précieuse.

La Mer Rouge 1: de Bab el Mandeb à Suakin

Bab El Mandeb, littéralement: la porte des lamentations. Ce serait d’après une légende Arabe les pleurs de ceux qui furent noyés dans le séisme qui sépara l’Afrique de la péninsule Arabique en créant le fameux détroit cher à Henry Monfreid. La mer rouge est en effet un rift et les deux continents s’éloigneraient toujours d’environ 1 cm par an.

Pour nous pas de pleurs ni de frayeurs, se sera du vent léger et une mer plate sur tout le parcours (c’était la raison principale pour sauter l’étape de Djibouti). Du vent de travers au petit largue au début puis du près avec un petit clapot casse vitesse sur les derniers jours, un peu de moteur de temps en temps pour franchir un calme ou escalader les vagues d’une zone un peu plus agitée (36 heures au total).

Énormément de navires de commerce montant et descendant jusqu’à prendre l’apparence d’une file quasi continue sur l’AIS particulièrement dans la zone de séparation de trafic du détroit. Nous sommes restés bien sagement à l’extérieur, côté Djibouti et Érythrée. Ici nous n’avons pas croisé n’y entendu de force navale ou aérienne patrouillant la zone, pourtant c’est dans le coin que la dernière attaque a eu lieu : le trimaran ex Pierre 1er de Florence Arthaud lors de son convoyage vers l’Europe au début de l’année.

Nous n’avons fait aucune mauvaise rencontre, au contraire, nous avons croisé de nombreux pêcheurs Yéménites qui nous ont approché pour nous vendre du poisson ou en échanger contre un peu d’eau mais toujours gentiment et sans agressivité.

Ce n’est qu’une fois passés la frontière Saoudienne et donc sortis de la zone à risque que nous avons commencé à tirer des grands bords plus vers le milieu. Il faut en effet composer avec les courants parfois forts ( 2 à 3 nœuds par endroits) qui forment des boucles et des circonvolutions assez surprenantes. Comme le plan d’eau s’élargit nettement à partir de là le trafic devient moins dense et on peut aisément couper la route des cargos sans les gêner. Dans cette zone l’activité sur la VHF est très intense en provenance des navires qui se croisent ou se rattrapent et surtout du dialogue entre le contrôle portuaire du port de Jiza et les bateaux en attente pour y rentrer mouillés pour la plupart du côté Érythrée. Sur toute la mer Rouge et le Golfe d’Aden, la portée de la VHF et de l’AIS est tout à fait étonnante : on entend des échanges parfois a plus de 100 milles et des cible AIS à plus de 150 milles. Antennes placées très haut sur ces immenses navires ou répétiteurs côtiers, je ne sais pas à quoi c’est dû. D’habitude, au delà de 30 ou 40 milles on ne capte plus rien. En tous cas, pas facile de dormir la nuit avec un tel brouhaha sur la radio.

Nous avons aussi eu beaucoup de visiteurs ailés. Çà a commencé en plein milieu du golfe D’Aden un couple de petites chouettes (ou disons de petits oiseaux de nuit – très farouches nous n’avons pu les photographier) est venu nous visiter plusieurs soirs de suite et est resté se reposer dans le mât plusieurs heures. Puis à peine passé le détroit c’est un groupe de 8 oiseaux de mer (décidément ce doit être la taille normale d’une famille voir cet article) qui sont venus se réunir sur nos panneaux solaires pour papoter et jacasser toute la nuit. A peine sont-ils partis que c’est une adorable tourterelle qui s’installe, elle restera avec nous toute la journée puis la nuit et encore le lendemain mais ce n’était pas juste histoire de faire un bout de chemin avec nous c’était parce qu’elle avait rendez vous avec son chéri qui est venu la rejoindre en plein milieu de la mer Rouge pour passer la fin de la journée et la nuit avec elle… A peine sont-elles envolées que c’est un tout petit oiseau noir et blanc qui se pose sur la barre et se laisse balancer quelques heures au gré des humeurs du pilote. Notre nouveau slogan pourrait être : « Rêve à Deux le rendez vous des oiseaux heureux » (que les « bird watchers expérimentés qui suivent ce blog n’hésitent pas à nous communiquer le nom de nos passagers, merci d’avance à eux.)

Mais nous approchons du but, et à exactement l’endroit et l’heure prévue sur notre routage, le vent tourne de 30° vers le Nord Est. A noter que depuis notre départ de Tanga, les gribs GFS (vent etc) et RTOFS (courants) se sont révélés fiables et précis, bien meilleurs que ceux du modèle ICON qui nous avait pourtant semblé meilleur dans d’autres parties du globe. Notre dernier bord vers Suakin sera très rapide est à huit heures du matin Lundi 10 octobre, nous nous présentons à l’entrée du chenal. On passe le port de commerce où des navires en bon état se mêlent à de vieux cargos de transport de bestiaux à moitié coulés. L’entrée du mouillage est très impressionnante le chenal se rétrécit jusqu’à moins de 10 mètres, il faut vraiment raser les ruines de la vielle ville, n’essayez pas d’entrer sans une bonne image satellite. A 8:45, nous sommes ancrés dans 4 mètres d’eau, Mohamed Abu Baker, notre agent, monte à bord pour les formalités.